AUX
ILES MALDIVES.
Le navire français l’Aigle, en destination pour le golfe du Bengale, était venu relâcher au Port-Louis de l’île Maurice. Je connaissais le capitaine, qui était un marin fort expérimenté, et je pris passage à son bord. Bientôt tout fut prêt pour l’appareillage, et nous levâmes l’ancre le 1er octobre 1839, au commencement de la nuit. Poussé par une bonne brise du sud-ouest, le bâtiment prit le large, courant sous toutes ses voiles, et, quand vint le jour, la terre n’était déjà plus pour nous que comme un nuage à l’horizon. Le temps était beau, la mousson favorable ; l’Aigle sillonnait rapidement la mer ; tout semblait nous promettre une heureuse navigation. Une brise fraîche et régulière nous poussa ainsi jusque vers le 10e degré de latitude ; mais alors tout changea : le temps se montra menaçant, la mer grossit ; des vents variables, accompagnés de pluie, fatiguaient le bâtiment et l’équipage. Le ciel était si sombre, si couvert, qu’il fut impossible de faire aucune observation astronomique. Nous passâmes de la sorte plusieurs longues journées, et des nuits rendues plus longues encore par l’incertitude. Enfin, le 24 octobre, à six heures du soir, un matelot, placé en vigie au sommet du mât de misaine, laissa tomber ces mots, qu’on n’entend jamais sans émotion : Terre ! terre ! C’était l’archipel des Maldives. Notre position se trouvait donc bien déterminée ; nous étions dans la route des bâtimens qui se rendent au golfe du Bengale.