selon lui, pour avoir cueilli la pomme d’un arbre que le premier homme et la première femme étaient déchus de leur état d’innocence. Le Créateur se réjouissait, au contraire, de leur voir manger tous ces fruits. Si Adam et Ève avaient été exclus de ce jardin, c’est que, par les conseils perfides du serpent, ils avaient tordu le cou à l’un des beaux oiseaux qui venaient se reposer sur les branches de l’arbre du bien et du mal. Voilà le fruit vivant, le fruit défendu qui avait entraîné sur toute la terre des désordres infinis. Malgré son respect pour la tradition, M. Gleïzès en voulait à Moïse d’avoir détruit le veau d’or ; cela témoignait d’un respect médiocre envers les animaux. Le législateur des Hébreux lui semble mieux inspiré, quand, voulant mettre des bornes à la voracité et adoucir le caractère féroce du peuple juif, il défend de manger le jeune chevreau cuit dans le lait de se mère. L’établissement du christianisme amena sur toute la terre un mouvement marqué vers le régime végétal. Selon l’auteur, Jésus-Chrit ne mangea jamais de viande, pas même aux noces de Cana. M. Gleïzès regarde la substitution du pain et du vin aux sacrifices sanglans comme le dernier mot de la doctrine évangélique. Par la raison que les chrétiens n’immolent point de bêtes dans leurs temples, ils ne doivent pas les mettre à mort dans leurs maisons : la table des hommes doit être la même que celle de Dieu. Une des autorités qui s’élèvent contre cette interprétation, dans les premiers temps de l’église, est celle de saint Pierre, qui vit en rêve une grande variété d’oiseaux sur un filet, et à qui une voix ordonna de manger toute cette viande. « Vision infernale, rêve d’estomac creux ! s’écriait M Gleïzès dans sa naïve indignation. Parce qu’un homme a eu faim, le christianisme sera-t-il bouleversé et le monde perdu ? » Croyant avoir établi que le régime des herbes était non-seulement le régime primitif de l’église, mais encore l’objet de la mission du fils de Dieu sur la terre, il s’efforçait de ramener les chrétiens à l’esprit de leurs institutions. Voilà, pour son compte, la grande nouvelle qu’il venait annoncer à ses frères ; il s’imaginait avoir découvert le secret de réunir toutes les sectes dissidentes en les asseyant toutes à la même table frugale.
Le nouveau chef de secte ne négligeait aucun des moyens de propagande. Après avoir présenté son système sous le manteau austère de la religion, il jugea à propos de le revêtir des ornemens plus capricieux de la nouvelle et du roman. Séléna ou la Famille samanéenne parut en 1838[1] M Gleïzès, romancier, avait bien moins en vue les caractères et l’action du poème que son idée fixe. L’héroïne est cette Séléna, fille de la Lune, blanche et pure comme elle. Elevée dans la solitude, elle s’élève au-dessus de toutes les autres femmes comme un jeune palmier
- ↑ Un vol. in-8o, chez Desforges.