les autres terres ont aussi un produit brut bien moindre. Ainsi, en admettant que le capital agricole de l’Angleterre, long-temps accumulé, excède le capital agricole de la France, qui ne s’est guère grossi que depuis cinquante ans, nous croyons fermement que le produit annuel, le produit brut du moins, est de beaucoup inférieur au nôtre. Quoi qu’il en soit, il est certain que cette agriculture si simple, et si l’on veut, si belle, loin d’enrichir les populations qu’elle occupe, les plonge dans la misère et l’abjection. Si les districts manufacturiers de l’Angleterre offrent des exemples malheureusement trop nombreux de dégradation humaine, c’est dans les districts agricoles qu’il faut chercher le tableau d’une misère à peu près générale. Ce qui n’est pas moins certain c’est que l’agriculture anglaise, au lieu d’attirer à elle les populations, en lui fournissant un aliment de travail actif, ne peut pas même entretenir celles qui la servent, et les rejette en masse vers les manufactures. Les campagnes se dépeuplent en Angleterre, et les hommes qu’elle rejette sur les villes y vont encombrer les ateliers. Le mouvement des capitaux n’y est pas plus actif que celui des hommes, et le crédit est mort. Capital et travail, tout cela se porte vers les manufactures, et ne contribue pas peu à produire, avec l’encombrement, cette surexcitation maladive qui les agite ; à forcer l’industrie à se précipiter avec une ardeur fiévreuse vers les débouchés extérieurs, et à enfanter ces crises funestes qui l’ébranlent de temps en temps. Aussi, cette tendance trop exclusive vers l’industrie manufacturière, que nous avons signalée dans la plupart des états commerçans, est-elle encore plus prononcée en Angleterre qu’ailleurs. Si l’on ajoute à tout cela les variations convulsives dans les prix des grains, et les disettes qui viennent de temps à autre, s’appesantir comme un fléau sur le pays, on aura une idée assez juste de ce que l’Angleterre doit à l’admirable organisation de sa culture. Sans être riche et féconde, comme elle pourrait l’être sous l’empire du commerce libre, l’agriculture française est du moins exempte des violentes convulsions de ce régime. Si elle ne procure aux populations qu’elle nourrit qu’une existence chétive, elle les conserve du moins, et ne les chasse pas dans les villes : elle leur laisse des alimens de travail, appauvris sans doute, mais nombreux. Elle est affranchie enfin, grace à la douceur relative de la loi des céréales, de ces violens soubresauts dans les prix, qu’on peut considérer comme des calamités publiques.
Mais tout ce que nous venons dire de l’Angleterre est déjà, fort heureusement pour elle, dans le passé. Un nouvel ordre de choses commence pour ce pays. Si l’on nous demande quelles seront les conséquences des dernières réformes, nous dirons que tout ce qui précède les fait déjà pressentir. Osons annoncer hautement, sans craindre que