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interprétation, laissons les faits s’expliquer d’eux-mêmes. Les fers français se présentaient donc alors sur le parché à des prix fort peu supérieurs à ceux des fers étrangers, et parfaitement égaux aux prix des fers belges. En 1814, sous prétexte que l’ouverture des ports mettait la métallurgie française en péril, on se hâta d’élever le droit d’importation sur les fers étrangers à 15 francs les 100 kilogrammes. Qu’arriva-t-il ? En peu de temps, les prix s’élevèrent de toute l’importance du droit, et cela pendant que la Belgique, partie du même point que nous, mais qui avait eu la sagesse, après sa séparation d’avec la France, de suivre d’autres erremens, continuait, sans trop d’efforts, disons mieux, avec des avantages croissans, à braver la concurrence étrangère. Ce n’est pas tout. Quelque élevé que fût le droit de 15 francs par 100 kilogrammes établi en 1814, nos maîtres de forges ne s’en contentèrent pas long-temps. L’Angleterre ayant, vers cette époque, donné une grande extension au traitement du fer par la houille, on s’avisa que cette fabrication, alors nouvelle, menaçait d’une ruine imminente nos établissemens métallurgiques. On crut donc devoir, en 1822, tout en maintenant l’ancien droit par rapport aux fers fabriqués au bois, établir sur les fers traités à la houille un droit spécial de 25 francs. Il en résulta une nouvelle augmentation dans les prix, ou du moins dans la différence des prix français aux prix étrangers. Cette différence se maintint, du reste, sans altération sensible jusqu’en 1836, époque où le droit sur les fers traités à la houille fut ramené au chiffre actuel de 18 francs 75 centimes les 100 kilogrammes. Avons-nous besoin d’ajouter que, si le prix du fer a baissé sous l’empire de ce nouveau tarif, il s’éloigne toujours des prix anglais de toute l’importance du droit[1] ? C’est, en effet, ce qui résulte de la seule comparaison des cours.

Ces vérités, qu’on s’explique facilement quand il s’agit des fers, dont la production est réellement insuffisante pour le pays, paraîtront, au premier abord, moins évidentes en ce qui concerne les produits du sol, parce qu’après tout, si le nombre des exploitations rurales est borné par la nature, il est pourtant considérable et semble ouvrir un champ assez large à la concurrence des producteurs il est certain pourtant que cette concurrence intérieure, si étendue qu’elle paraisse, ne suffit pas, et l’expérience le prouve. Voyez, par exemple, ce qui s’est passé en Angleterre depuis tantôt un demi-siècle. Le parlement s’y est avisé autrefois, — par quels motifs ? c’est ce qu’il est inutile d’examiner ici, — de frapper de droits à peu près pareils à l’importation

  1. Dans les renseignemens extraits de la correspondance des villes de commerce et délivrés par M. le ministre du commerce aux conseils-généraux dans leur dernière session, le prix du fer anglais en barres est porté à 20 fr. 10 cent., et celui du fer français à 39 francs. Les frais de transport jusqu’à nos villes maritimes sont compris dans ces chiffres : ils sont à peu près les mêmes des deux côtés.