existe dans nos lois pour quelques-uns, vous vous trompez ; si vous dites qu’il existe pour quiconque aura la volonté d’y prendre part, je ne vous comprends plus. » Appliqués à l’industrie manufacturière, ces réflexions sont justes, parce qu’ici le privilège, si privilège il y a, existe véritablement pour quiconque a la volonté d’y prendre part. En est-il de même pour l’exploitation des mines ? Évidemment non. Cela n’est guère plus vrai quant à l’exploiration du sol, et voilà pourquoi, dans ces deux cas particuliers, l’influence du monopole se fait toujours sentir.
Il est impossible qu’en y réfléchissant un peu, on ne remarque pas à quel point la condition de ces dernières industries diffère de la condition de toutes les autres. et nous insistons sur cette vérité parce qu’elle est capitale, à tel point qu’elle doit être le principe ou le fondement de toutes les réformes à venir. L’étendue du territoire d’un pays étant bornée par la nature, le nombre des exploitations rurales ne peut pas s’y multiplier au gré des besoins, ni même en raison des bénéfices qu’elles rapportent. Dès-lors plus de concurrence indéfinie au dedans. Dès-lors aussi, nulle garantie que les prix des denrées baisseront jusqu’aux limites du possible : c’est par d’autres lois que ces prix sont gouvernés. Ce qui est vrai de l’agriculture l’est encore plus peut-être de l’exploitation des mines, surtout quand il arrive, comme c’est le cas particulier de la France, que les produits de ces mines ne suffisent même pas à la consommation locale. Ici le privilège que les tarifs confèrent aux producteurs nationaux est absolu. C’est un monopole véritable, plus ou moins étroit, plus ou moins abusif, selon les cas. Aux frais ordinaires de la production, aux charges qui résultent des restrictions douanières, viennent donc s’ajouter les profits du monopole, profits qui se convertissent en rente foncière, prélevée, à l’avantage de l’heureux possesseur du fond, sur la foule des consommateurs, bien qu’à vrai dire la plus grande partie de ces prélèvemens s’anéantisse, sans aucun avantage pour personne, dans l’exploitation mal entendue qu’un tel système engendre.
Rendons ces différences sensibles par un exemple, en comparant les résultats des restrictions douanières par rapport à deux produits, l’un naturel, l’autre ouvré. Supposons que, le commerce étranger les livrant l’un et l’autre à 100 francs, l’établissement d’un droit de 20 pour 100 en élève tout à coup le prix à 120 francs dans le pays. Certes, il pourra bien arriver que, dans le moment présent, l’effet soit le même pour les deux cas, en ce sens que les producteurs nationaux profiteront également de toute l’augmentation du prix, et que les consommateurs supporteront en conséquence des deux côtés une perte égale de 20 francs ; mais cette similitude ne se soutiendra pas long-temps. L’établissement des manufactures étant libre et illimité dans le pays, si un accroissement de 10 francs sur les prix assure aux manufactures existantes