Cette distinction est importante ; elle est, à bien des égards, le nœud du système restrictif. Nous savons qu’elle a été repoussée par plusieurs économistes, qui déclarent également pernicieux, également funestes, tous les droits protecteurs, à quelque nature de marchandises qu’ils s’appliquent. C’est une erreur dont on reviendra sans aucun doute après un examen plus attentif. Que les droits protecteurs soient toujours onéreux au pays qui les adopte, en ce sens qu’ils imposent aux habitans des sacrifices en pure perte, c’est ce que nous admettrons sans peine : il y a toutefois cette différence bien grave, que les restrictions mises à l’importation des articles manufacturés laissent subsister à l’intérieur une concurrence libre, illimitée, en sorte que les charges qui en résultent tendent, par la force des choses, à s’atténuer avec le temps, tandis que les droits qui atteignent les denrées du sol ou les produits des mines constituent, au profit des producteurs nationaux, des monopoles qui ne laissent aux consommateurs aucun espoir d’allègement.
On a beaucoup abusé de ce mot de monopole et le reproche qu’il implique a été souvent dirigé contre des industries qui ne le méritaient pas. Appliqué aux manufactures, et en général à toutes les industries dans lesquelles la concurrence est illimitée à l’intérieur, ce reproche est injuste et faux. Il n’y a point de monopole pour les producteurs dès l’instant que chacun peut à volonté élever à côté de leurs établissemens des établissemens rivaux. La concurrence, bannie du dehors, s’établit au dedans et y produit à peu près les mêmes effets, en ce sens du moins qu’elle restreint les bénéfices jusqu’aux limites du possible. Que si, à la faveur des tarifs, les produits nationaux se vendent alors plus cher que les produits étrangers, comme nous le voyons en France, cette aggravation de prix dont il n’est pas juste de dire que les manufacturiers profitent, représente seulement l’exact équivalent des charges que le régime restrictif leur impose et des faux frais auxquels il les condamne ; mais ce qui n’est pas vrai par rapport aux industries susceptibles de s’étendre indéfiniment à l’intérieur est rigoureusement vrai par rapport à celles dont la croissance est limitée, soit par la nature des choses, soit par quelque erreur des lois. Or, telle est en général, bien qu’à des degrés différens, la situation de toutes les industries qui s’appliquent à l’exploitation de la terre, soit qu’elles se bornent, comme l’agriculture proprement dite, à en exploiter la surface, soit qu’elles pénètrent dans ses entrailles pour en arracher les produits minéraux qu’elle renferme.
Comme il a des hommes qui voient partout le monopole, il y en a d’autres qui le nient dans tous les cas. « La protection, un privilège, un monopole ! s’écriait M. de Saint-Cricq ; mais je ne reconnais de privilège que dans le droit individuel de faire ce qui est défendu à autrui, de monopole que dans la faculté individuelle d’exploiter un profit auquel il est défendu à autrui de prétendre Si vous dites qu’un tel monopole