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reproduisaient les erremens de la cosmographie poétique des Grecs[1]. Bien que la zone torride commence à Philé, bien que les monumens des Pharaons se trouvent au cœur de cette zone, les géograp1es n’y plaçaient pas moins un océan imaginaire, au-delà duquel était la terre opposée à la nôtre, l’antichthone. Ces vieilles idées grecques règnent dans Alexandrie jusqu’à Hipparque. Celui-ci refit la terre sur un nouveau plan, et, en rapprochant beaucoup trop la partie orientale et la partie occidentale du continent, établit dans la science cette nouvelle et utile erreur, qui, encourageant Colomb à aller cherche l’Asie, lui fit rencontrer l’Amérique[2]. Erreurs et progrès, la géographie alexandrine dut tout à elle-même et rien aux anciennes notions égyptiennes, qui, si elles l’avaient éclairée, l’auraient éclairée plus tôt, et l’auraient désabusée des chimères de la cosmographie fabuleuse des Grecs, où elle s’égara jusqu’à Hipparque[3].

L’astronomie est une des sciences dans lesquelles on a supposé que les ancien Égyptiens avaient fait le plus de progrès d’autre part voyant l’astronomie grecque prendre dans une ville d’Égypte des développemens inconnus jusqu’alors, on a été porté à faire encore cette fois honneur à l’Égypte de la science grecque. On a cru à une astronomie très ancienne et très avancée, dont les représentations figurées et surtout les représentations zodiacales conservaient le mystère, et qui se serait transmise aux Grecs par Platon, par Eudoxe et par les Alexandrins ; mais ici encore cette superstition qu’inspiraient le nom de l’antique Égypte et la renommée de ses connaissances mystérieuses a fait à de bons et grands esprits une illusion de laquelle il faut revenir pour deux raisons : la première, c’est que les Égyptiens n’ont point eu les profondes connaissances en astronomie, qu’on leur a prêtées ; la seconde, c’est que les astronomes d’Alexandrie ne paraissent pas leur avoir emprunté beaucoup.

Un des grands argumens avancés en faveur de la science antique des astronomes égyptiens était tiré des représentations zodiacales qu’on voit sur différens temples d’Égypte, et en particulier à Denderah. Aujourd’hui la haute antiquité de ce zodiaque n’est plus soutenable, depuis surtout que Champollion a lu les noms de Tibère et de Néron écrits

  1. Letronne, Journal des Savans, 1831, 476.
  2. Mémoires de l’Institut, t. IX, 210.
  3. Remarquons seulement qu’une tentative plus ou moins heureuse pour opérer une mesure de la terre eut lieu, selon M. Gosselin et de l’aveu de M. Letronne, avant l’école d’Alexandrie ; mais, comme on n’a pu déterminer encore si cette opération fut tentée en Égypte ou ailleurs, on ne saurait en tirer aucun argument positif en faveur des connaissances géographiques des anciens Égyptiens. — Ibid., t. VI, 157. — Journal des Savans, 1827, 97.