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et sacerdotal, ce qui, chez d’autres peuples, a été. L’épopée héroïque ou religieuse.

La littérature alexandrine n’appartient donc pas à un pays, mais à une époque. Parmi les hommes qui l’honorent le plus, on compte un grand nombre d’étrangers : le Sicilien Théocrite, Philétas de Cos, Hermesianax de Colophon ; quelques-uns même ne vinrent jamais à Alexandrie, Euphorion, par exemple, qui, né à Chalcis, vécut à Séleucie et mourut à Antioche. Euphorion n’en est pas moins classé avec les poètes alexandrins, avec Rianthus et Parthenius, que Tibère lui associait dans ses prédilections littéraires et ses imitations poétiques. La littérature alexandrine n’a donc rien d’égyptien, et l’on y sent à peine la proximité de l’Orient ; mais elle a le caractère de son âge, elle a les défauts des littératures surannées Vieille, coquette et pédante, elle remplace la simplicité par la recherche, l’inspiration par la science, le génie de l’art par la théorie de l’art.

Ingenio quamvis non valet, arte valet :


ce qu’Ovide a dit durement de Callimaque, je le dis d’elle peut-être un peu durement aussi.

Comme il arrive dans les littératures qui dégénèrent, la recherche n’exclut pas la négligence. Plotin, nous dit Porphyre, ne relisait jamais ce qu’il écrivait. Quelle différence entre cette improvisation sans art et le travail exquis, l’atticisme habile du style de Platon ! La fécondité démesurée est aussi un signe de décadence, nous ne le savons que trop. Callimaque avait écrit huit cents ouvrages, et Dydime aux entrailles de fer six mille volumes. C’est à désespérer nos facilités contemporaines.

La rhétorique, dont l’heure est venue, triomphe dans Alexandrie ; on l’y trouve partout, à tel point que ce sera un rhéteur grec, Théodote, qui présentera à César la tête de Pompée. Or, quoi de plus grec que la rhétorique, quoi de moins égyptien ? Ainsi, plus je considère la littérature alexandrine et plus j’y vois le signe de l’âge, non l’empreinte du sol. Alexandrie, ce n’est pas pour cette littérature une patrie, c’est une date. Tout au plus le pays funèbre par excellence, le pays où l’image de la mort était partout présente, jusque dans les festins, pouvait-il agir sur l’imagination des poètes, en inspirant à Cheremon des vers à la louange de la mort, dont se moquait Martial.

L’art alexandrin dut subir plus que la littérature l’influence de l’Égypte. La littérature égyptienne, si on peut lui donner ce nom, était enveloppée des mystères de son écriture. L’art parlait aux yeux un langage que tout le monde pouvait comprendre et répéter.

L’architecture grecque, j’ai déjà eu occasion d’en faire la remarque, émule et comme jalouse des dimensions colossales de l’architecture