qui la caractérise n’a rien d’oriental, sauf l’enflure d’un Lycophron et d’un Claudien[1], défaut que le mauvais goût de la décadence explique suffisamment. Du reste, les genres où cette littérature excelle, l’épigramme, l’idylle, l’élégie, sont purement grecs. On récitait sur le théâtre d’Alexandrie les narrations d’Hérodote et les chants d’Homère. La littérature alexandrine se rattache à Homère par ses poètes et par ses critiques. Les uns le continuent à leur manière, comme Coluthus et Triphiodore ; les homériques font des centons ou des parodies du poète dont ils portent officiellement le nom. Il en est qui écrivent l’Odyssée sans employer la lettre s, d’autres retranchent de chaque chant de l’Iliade une des vingt-quatre lettres de l’alphabet. La grande affaire des plus sérieux est de réviser le texte d’Homère ; les rois même se livrent à ce travail[2]. Aristarque est le vrai représentant de cette littérature, qui s’appelle elle-même philologie. Dans tout cela, rien d’égyptien. L’ibis de Callimaque n’était pas un chant sur l’oiseau sacré, mais une satire dans laquelle il persillait ses rivaux. Il a fallu toute la crédulité irréligieuse de Dupuis pour s’imaginer avoir retrouvé dans les Dyonisiaques de Nonnus les débris d’un poème sacré sur les calendriers composé 1600 ans avant Homère. Nonnus n’a rien emprunté aux sanctuaires de l’Égypte ; mais, en véritable Alexandrin, écrivant dans une ville où l’astronomie, cultivée avec éclat par les savans, était à la mode parmi les lettrés, où les sept principaux poètes formaient une pléiade où les beaux esprits métamorphosaient en constellation la chevelure de la reine Bérénice, Nonnus, par une prétention à la science toute pédantesque et toute moderne, introduisit l’astronomie dans la mythologie. Quant à sa prétendue imitation d’un ancien poème égyptien, il est très douteux, que des poèmes, au moins d’une certaine étendue, aient existé dans l’ancienne Égypte. Dion Chrysostome dit que les Égyptiens n’avaient pas de vers. L’assertion est probablement trop absolue, car les monumens représentent des prêtres qui chantent en s’accompagnant sur une sorte de harpe qu’on a retrouvée dans les tombeaux, et Champollion a lu une chanson destinée à accompagner le travail des bœufs foulant le grain. Toutefois il y a loin de quelques chants religieux ou populaires à de vastes compositions telles que celles qu’aurait connues et imitées Nonnus. Rien de pareil à ces grands poèmes ne s’est montré jusqu’ici ni sur les murs des temps ni sur les papyrus couverts d’hiéroglyphes. L’inscription et le rituel avec d’immenses développemens paraissent avoir remplacé, chez ce peuple monumental
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