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comme l’on marcherait au combat. Pour ne pas voir démenties ses prédictions, Cardan, homme d’un savoir universel, qui ne resta pas étranger à ces luttes, se laissait, assure-t-on, mourir de faim. C’est une telle fougue qui rendait ces hommes invincibles et qui leur permettait, à une époque où, à proprement parler, l’analyse algébrique n’existait pas encore, à une époque où il n’y avait ni notations, ni méthodes générales, ni enseignement public, ni livres élémentaires, de s’avancer dans certaines directions aux limites de la science, et de poser des barrières que tout le génie des Euler et des Lagrange n’a pas su franchir depuis !


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

INSTRUCTION DE F. DE MALHERBE A SON FILS, publiée par M. Ph. de Chennevières[1]. — La Normandie est, sans aucun doute, celle de nos anciennes provinces qui a le plus à cœur la gloire de ses enfans. Aux plus illustres, à ceux qui ont été rois, comme Corneille et Guillaume, par la lyre ou l’épée, elle dresse des statues ; à ceux qui, pus humbles, ont mérité cependant un souvenir, elle décerne, dans les académies, des éloges historiques ; quelquefois même elle ressuscite, après plusieurs siècles, des morts oubliés, comme Wace ou Raoul de Ferrières. Qu’on ouvre, en effet, les Mémoires des sociétés savantes de cette belle et intelligente province ; à Rouen, à Caen, partout enfin, on trouve de curieuses recherches sur la vie et les travaux des hommes qu’ont vu naître les domaines du conquérant. C’est ainsi que M. Deville, après tant d’autres biographes, a donné sur Corneille, sur les habitudes intimes de sa vie, sur son rôle pendant la fronde, des détails tout-à-fait nouveaux ; c’est ainsi encore que l’un des compatriotes de Malherbe vient de publier un document qui éclaire, d’une façon tout-à-fait neuve et piquante, la biographie intime du poète qui, le premier,

Fit sentir dans ses vers une juste cadence,


et y porta souvent de grands sentimens, ce qui, certes, vaut mieux encore que l’instinct de la césure. Ce document est une instruction adressée par Malherbe à son fils Marc-Antoine. Entièrement inconnue, aux biographes des deux derniers siècles, et enfouie à Aix dans une bibliothèque particulière, l’Instruction avait été déjà signalée à l’attention publique dans une brochure de M. Roux Alpheran, intitulée : Recherches biographiques sur Malherbe, adressées à MM. les maire, adjoins et membres du conseil municipal de la ville de Caen ; mais l’auteur des Recherches biographiques s’était borné à citer quelques fragmens, et M. Ph. de Chennevières, en publiant aujourd’hui l’Instruction dans l’intégrité de la rédaction première, vient d’ajouter une page intéressante à notre histoire littéraire.

  1. Caen, 1846. Un vol. broch., in-8o