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hégéliens de Halle. Tout radoucis qu’ils étaient depuis l’émigration forcée des Annales, les hégéliens auraient bien désiré que le mouvement religieux s’appuyât sur les doctrines de la science, et qu’on éclaircît à leur façon la nature de l’homme-dieu. Parler toujours du libre progrès de l’esprit humain vers les choses divines, ce n’était point assez si l’on n’expliquait que ce progrès consistait pour l’esprit à se reconnaître toujours mieux comme étant lui-même la chose divine par excellence, si l’on ne démontrait la marche souveraine, le processus de l’idée, se retrouvant et s’adorant dans l’homme, où elle s’incarnait perpétuellement pour avoir enfin conscience d’elle. Le pasteur Uhlich et les simples compagnons qu’il avait d’abord associés à son entreprise reculèrent devant ce despotisme d’une autre sorte, comme ils avaient reculé devant la rigueur littérale de l’orthodoxie. Les hégéliens eurent beau dire qu’ils n’étaient plus ces inventeurs absolus qui prétendaient tirer la vérité tout entière de leur cerveau et supprimer la réalité en l’honneur de la logique, ils eurent beau protester de leur respect pour l’histoire et le sens commun, aussitôt qu’ils parurent dans les assemblées, en septembre 1843, on les pria de débattre en particulier ces nouveaux articles de foi qu’ils apportaient à la foule, et le pasteur Uhlich se chargea de traduire au besoin, sous forme plus pratique et plus populaire, les délibérations du cénacle savant. « N’avons-nous donc qu’à nous incliner, s’écriait-il, toutes les fois qu’une école philosophique viendra nous annoncer qu’elle a notre salut dans les mains ? » L’immense majorité professait les mêmes sentimens ; l’archidiacre Fischer s’exprimait ainsi dans la grande réunion de Coethen de 1844, en s’adressant aux philosophes : « Bâtissez votre édifice, bâtissez-le avec toutes vos forces ; nous vous suivons d’un œil ami, mais n’exigez point de nous d’y entrer avant d’avoir éprouvé s’il est solide. »’Qu’y avait-il donc de solide pour ces intelligences nettes et droites ? Laissons encore parler Uhlich « Jésus n’a point donné d’enseignement précis ou n’en a même pas donné du tout sur ces questions difficiles auxquelles conduit la science religieuse : sur l’origine du péché, sur le libre arbitre, sur le rapport de l’amour divin avec la justice divine, sur l’essence intérieure de la divinité. Il a énoncé avec pleine clarté les principes fondamentaux de toute religion, l’existence de Dieu, la providence de Dieu dans l’homme, le royaume éternel de Dieu ; ce que dit Jésus, on peut tout aussitôt l’appliquer dans la vie active ; il est le premier de ces prédicateurs de, morale qu’on cherche maintenant à décrier si fort. »

De plus doctes cependant voulaient mieux que cette simplicité pratique du rationalisme vulgaire, et cherchaient toujours un principe auquel ils pussent rattacher un système ; ils crurent le rencontrer chez le pasteur Wislicenus. Celui-ci, dans la grande assemblée tenue à Coethen