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sans que l’institut de France ait trouvé l’occasion de se rattacher par un titre honorifique ces deux illustres savans. Pourtant il faut remarquer que les forces et l’activité des hommes les plus distingués sont appliquées chez nous à assurer l’influence de la France à l’étranger, et que cette influence morale, reconnue et acceptée partout, est telle qu’elle n’admet guère dans l’esprit de la plupart des Français la supposition d’un échange utile avec les autres peuples, surtout avec ceux que les circonstances ont placés dans une infériorité politique relative vis-à-vis de la France. C’est là une erreur, à notre avis, et tout contact scientifique avec les élèves de Gaulée et de Volta peut être profitable même aux héritiers de Fermat et de Lavoisier. Quoi qu’il en soit, on ne peut modifier cet état de choses qu’en venant montrer aux savans français qu’Amici, Melloni et Mossotti, dont nous avons eu l’occasion récemment d’admirer à Paris les travaux, ne sont pas les seuls qui cultivent avec succès les sciences physiques et mathématiques dans la péninsule. En attendant, nous voyons avec plaisir qu’un des plus illustres chefs de l’école médicale italienne, M. Bufalini, se soit décidé à venir visiter les établissemens scientifiques de Paris, et nous recevons avec satisfaction l’annonce de la prochaine arrivée de M. Santini, professeur à Padoue et l’un des correspondans de l’Institut pour la section d’astronomie.

Si les savans italiens, ne vont pas volontiers en pays étranger, ils ont commencé, depuis quelque temps, à se visiter entre eux, et tous les ans ils s’assemblent dans une des villes de la péninsule. Ces congrès scientifiques, auxquels les attaques du parti rétrograde n’ont pas manqué, produisent du bien dans un pays où des barrières de toute sorte s’opposent aux communications de la pensée d’état à état ; mais on ne saurait dire que les hautes sciences puissent gagner beaucoup dans des réunions composées parfois de douze à quinze cents personnes qui décident les questions les plus graves à la majorité, et au milieu desquelles le nombre des véritables savans est naturellement fort restreint. Dans quelques villes principales, des sommes considérables ont été mises à la disposition des savans pour effectuer des expériences utiles. Cette pensée est fort louable ; mais dans l’état actuel des sciences peut-on supposer que de telles expériences seront entreprises avec succès par des hommes auxquels il n’est accordé que quinze jours de réunion pour s’entendre sur les expériences à faire, et pour les effectuer après avoir préparé les appareils nécessaires ? Évidemment cela est impossible : Si l’on veut que ces congrès aient des conséquences heureuses pour les sciences, il faut, tout en conservant un caractère populaire à ces réunions, établir un comité, un bureau, quelque chose de permanent enfin, qui soit chargé d’exécuter tout ce qui ne peut pas être confié à une assemblée trop nombreuse. Appeler à ces congrès, dans des vues très utiles et très louables, un grand nombre de personnes, tout en conservant aux hommes éminens qui voudraient y assister une juste suprématie, voilà ce qu’il faut chercher sous peine de voir bientôt ces réunions dégénérer et déchoir.

Dans plusieurs localités, ces congrès sont devenus l’occasion d’hommages rendus à la mémoire de quelques-uns de ces hommes célèbres qui, dans un sol si fertile, ont illustré chaque province italienne. Une statue a été élevée en Toscane à Galilée, et Cavalieri a reçu un honneur semblable à Milan. Les savans italiens qui se réunissent à Gênes cette année y doivent inaugurer la statue de Colomb ; l’année prochaine, le plus grand voyageur du moyen-âge, Marco Polo,