d’unir tous les systèmes ; il aurait voulu mettre d’accord toutes les croyances religieuses, et après avoir établi la paix dans la science, la faire descendre dans l’humanité. On sait la part active qu’il prit avec Bossuet au projet de réconcilier les diverses communions protestantes avec l’église catholique. Quel spectacle que celui de la correspondance de ces deux hommes : le plus grand théologien de l’église et le plus profond métaphysicien de l’Europe travaillant au non de la France et de l’Allemagne à retrouver l’unité brisée par Luther ! Une publication récente ramène naturellement, l’attention sur cette mémorable correspondance, et peut jeter quelque jour sur divers points restés obscurs.
Le Systema theologicum de Leibnitz, dont M. l’abbé Lacroix nous donne pour la première fois le texte fidèle, est une sorte de profession de foi religieuse dans laquelle Leibnitz s’explique avec étendue sur tous les points essentiels du dogme chrétien, et particulièrement sur ceux qui divisent les protestans et les catholiques A quelle époque fut-il composé ? dans quel but ? pourquoi n’a-t-il pas été publié du vivant de l’auteur ? Ces questions ne sont pas encore résolues. Toujours est-il que cet ouvrage est parfaitement authentique, et que le manuscrit original en fut déposé, à la mort de Leibnitz, dans la Bibliothèque de Hanovre. Il est même assez étrange qu’une pièce de cette importance ait échappé à Dutens, lorsqu’il donna sa grande édition de Leibnitz.
En 1808, les hasards de la conquête amenèrent sur le trône de Westphalie Jérôme Bonaparte, qui trouva bon de mettre la main sur le précieux manuscrit, et, sans mesurer apparemment l’étendue de la perte qu’il faisait subir à l’Allemagne, le donna à son oncle le cardinal Fesch. Ce prélat en laissa prendre copie au vénérable abbé Eymery, qui le publia en 1819 ; mais la transcription avait été faite avec une extrême négligence, et cette édition défectueuse laissait plus de regrets qu’il ne fournissait de lumières.
Cependant le, manuscrit de Leibnitz, qui avec le cardinal Fesch s’était d’abord trouvé à Paris, l’accompagna, en 1815, de Paris à Rome, et resta dans sa bibliothèque jusqu’à sa mort, arrivée en 1844. À cette époque, les livres du cardinal et tous ses papiers, au nombre desquels figurait le manuscrit en question furent mis en dépôt à l’église Saint-Louis des Français, en attendant qu’il en pût être fait remise, conformément au testament du cardinal, à la bibliothèque d’Ajaccio, sa ville natale. C’est là que M. l’abbé Lacroix, clerc de la nation de France près le sacré consistoire, à Rome, a pu prendre connaissance du texte original de Leibnitz, le collationner avec l’édition de Paris, rétablir les passages tronqués, altérés ou déplacés, et procurer enfin une nouvelle édition qui ne laisse rien à désirer pour la correction et l’exactitude. C’était assez pour les théologiens et les philosophes mais M. Albert de Broglie a pensé avec raison qu’afin d’obtenir l’attention d’un plus grand nombre de lecteurs, une traduction française était nécessaire il s’en est acquitté avec habileté, et y a joint des notes et une introduction où beaucoup de science précise et discrète est au service d’une rare élévation de sentimens et de vues.
Ce qui frappe d’abord à la lecture du Systema thologicum c’est l’accord presque parfait de la doctrine de Leibnitz avec celle de l’église catholique. Sur tous les points essentiels, l’eucharistie, la justification, et même le culte des saints, Leibnitz abandonne évidemment les doctrines luthériennes, et penche du côté des catholiques. Il cite même le concile de Trente, et s’appuie de ses décisions.