voulu se promener par les rues sans escorte, et, quelle que soit la défiance bien naturelle qu’inspirent toujours les chroniques de la cour impériale, il y a eu assez de courage dans cette bravade pour saisir des esprits enthousiastes et mobiles. Certaines paroles significatives ont été très à propos jetées dans la circulation : le tzar aurait dit que son peuple de Pologne commençait à prendre confiance en lui, et qu’il en ferait un grand peuple. Quelque chose de plus positif, c’est que la police de Varsovie a reçu l’ordre officiel de s’adoucir ; il est juste d’ajouter qu’il a fallu en même temps élargir les prisons, parce qu’elles ne suffisaient plus contenir les coupables ou les suspects. Enfin on a été plus loin dans cette voie d’habiletés, et l’on a remis en lumière un projet sur lequel on a toujours compté beaucoup pour l’assimilation des deux pays : on a fort affecté de désirer la suppression des douanes qui séparent le royaume des anciennes provinces russes, et une commission, dirigée par le prince héréditaire, a été instituée officiellement à Saint Pétersbourg pour préparer une si importante mesure. Le gouvernement impérial gagnerait de toutes façons à cette révolution pacifique ; la masse de la population y trouverait un avantage matériel ; ce qui subsiste encore d’institutions françaises étoufferait bientôt sous l’uniformité progressive, de la législation moscovite ; puis, ce qui n’est pas une petite considération en Russie, les fonctionnaires, au lieu d’être payés sur un pied extraordinaire, comme ils le sont encore à titre d’occupans d’un pays conquis, n’auraient plus d’autre rétribution que celle des employés de l’intérieur, c’est-à-dire, une fort médiocre. Tout cela vaut bien qu’on y pense, et l’on pèse tout cela.
Cette bizarre effervescence, qui domine en ce moment et gâte la pensée nationale, est plus vive encore à Posen que dans le reste de la Pologne. L’empereur Nicolas n’a pas grand ménagement pour Frédéric-Guillaume, et ne lui épargne point les avis ; il estime assez peu ce qu’il y a de spirituel et de chevaleresque dans cette imagination trop remuante ; il entend bien, dit-il, sauver le roi malgré lui, et, si les intrigues de sa police y peuvent quelque chose, il ne manquera certes pas de donner assez d’embarras à son beau-frère pour lui ôter le loisir de se compromettre en essais hasardeux Le tzar s’inquiète beaucoup des destinées futures de la Prusse ; il appréhende plus que tout de voir une tribune publique à Berlin, et il tenterait tout pour l’empêcher, fût-ce même de laisser proclamer la monarchie slave à Posen ; on n’ignore pas, en effet, que ce toast, au moins imprévu, a té bruyamment porté dans une assemblée de prétendus patriotes. Il est vrai que Posen comptait alors bon nombre d’agens russes qui se donnaient uniquement pour surveiller l’esprit polonais et servir avec un zèle égal les intérêts combinés des grandes puissances ; mais la Prusse a fini par douter qu’on sauvegardât très particulièrement les siens, et, comme les