poiriers et de pêchers offrent en tout temps de frais ombrages, et, à l’époque de la floraison, le plus agréable pêle-mêle de fleurs pourpres, roses et blanches. Les grenades, les coings et les pêches d’Arispe sont renommés dans tout l’état de Sonora. Comme toutes les villes de la république, et généralement les villes hispano-américaines, Arispe a des rues alignées au cordeau et percées à angles droits. Les maisons en pisé, uniformément recouvertes d’une couche de plâtre, ne se composent que d’un rez-de-chaussée. Des fenêtres de plain-pied avec la rue, bien que défendues par des barreaux de bois assez rapprochés, n’en laissent pas moins pénétrer la vue dans l’intérieur des maisons, et le soir l’éclat des lumières dans l’obscurité des rues. De cette façon, la ville paraît animée pendant le jour malgré le petit nombre de passans, et il y règne la nuit une clarté suffisante nonobstant l’absence de tout éclairage public. Du reste, à l’exception de la prison, bâtie en pierres de taille, et dont les cachots voûtés sont toujours vides, nul monument public n’attire dans Arispe l’attention du voyageur. Cette cité (siège du congrès de l’état, elle a droit à ce nom) n’est remarquable que comme une dernière halte de la civilisation sur les confins des vastes déserts du nord. A partir d’Arispe, la civilisation du midi cesse de marcher vers le nord ; elle restera stationnaire jusqu’au moment où elle se rencontrera avec l’invasion anglo-américaine, qui apporte la civilisation du nord vers le midi.
Quoique l’hospitalité du sénateur me rendît fort agréable le court séjour que je fis à Arispe, j’étais de la classe trop nombreuse de ces voyageurs ingrats, à qui l’instinct vagabond fait oublier l’accueil le plus gracieux, et qui ne savent le reconnaître qu’en allant le regretter loin du lieu où ils l’ont reçu. Je pris donc congé de la famille de don Urbano pour me diriger vers le placer de Bacuache. — A Dieu ne plaise, me dit le sénateur, que je cherche à vous effrayer au sujet du voyage que vous entreprenez ! mais je ne veux pas non plus vous laisser dans une sécurité trompeuse. Depuis quelque temps, il est question d’incursions d’Indiens aux environs d’Arispe, de malfaiteurs ou de vagabonds qui parcourent les routes que vous avez à suivre ; ainsi marchez, connue dit le proverbe, la barbe sur l’épaule, et soyez prudent. Je mets à votre disposition un de mes domestiques, homme de résolution et de bon conseil, et qui pourra vous servir au besoin. Maintenant, adieu et bonne chance !
Le sénateur me donna une accolade cordiale, et je montai à cheval après l’avoir affectueusement remercié de sa bienveillante sollicitude. Il était trois heures de l’après-midi quand je quittai Arispe. Selon l’itinéraire qui m’avait été tracé, je devais aller coucher dans les bois à six lieues de là, finir ma journée du lendemain à Fronteras, et gagner Bacuache le jour suivant.