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ne comprenait pas bien hier, on le comprendra mieux demain ; le sens de la parole se révèle tous les jours, plus à celui d’entre nos frères, moins à celui-là. Je sais, et je l’avoue, qu’il est difficile de concilier ce développement individuel et successif de la croyance avec l’établissement d’un ordre général, avec l’unité d’un travail d’édification ; c’est là le problème, et, si notre siècle s’occupe tant de l’église, c’est qu’il est destiné à le résoudre : quelle que soit la solution de l’avenir, l’expérience est consommée pour l’église du passé ; les chaînes qui attachaient le corps étaient si resserrées, que les membres s’atrophiaient faute de mouvement ; qu’on leur rende donc le mouvement et la vie. Dieu fera le reste, il n’a point peur de la liberté. » - A présent déjà que voyons-nous ? Les idées religieuses coulent-elles encore de source comme le lait de la mère sur les lèvres de l’enfant ? ou bien les reçoit-on peut-être en esclave avec la muette docilité du monde antique ? Ni l’un ni l’autre. La croyance ne se forme pas dans le troupeau tout ensemble, elle se forme dans l’individu ; il y a là nécessairement une œuvre réfléchie et non pas une tradition de servitude ou d’instinct. L’éloquent pasteur s’exprime quelque part avec une justesse admirable sur cet inévitable apprentissage de la foi raisonnée dont il défendait les franchises. « De notre temps, dit-il, on est obligé de conquérir sa foi sur soi-même ; pour peu qu’on y mette de sérieux, pour peu qu’on ne veuille pas l’emprunter toute faite, il en coûte beaucoup de réflexions, beaucoup de combats intérieurs ; nous ne sommes possesseurs assurés qu’après de longues expériences, et la possession suppose de nombreuses tentatives, des motifs et des antécédens de toute sorte. La religion de l’homme consciencieux et convaincu est comme un fruit bon à cueillir ; depuis le moment où le bourgeon a paru, combien n’a-t-il pas fallu, pour l’amener à maturité, de beaux jours et de jours d’orage, de soleil et de pluie, d’invisibles mouvemens dans la sève, de progrès et de transformations cachées ! »

Jusqu’où ces vicissitudes salutaires de la pensée avaient-elles conduit les opinions du pasteur Uhlich et de ses amis ? ils le déclarèrent bientôt sans vouloir pour cela rédiger des canons, ni rien écrire sous forme dogmatique, mais seulement pour publier ce que tant de milliers de leurs compatriotes avaient au fond du cœur. Rassemblés à Halle, le 28 septembre 1841, au nombre de cinquante-six, soit ecclésiastiques, soit laïques, ils fondèrent un journal pour l’édification chrétienne (Blätter fur christliche Erbauung) et convinrent entre eux de quelques points essentiels : « Nous voulons, en nous réunissant, nous fortifier et nous instruire dans notre croyance ; notre croyance est le simple christianisme évangélique basé sur ces paroles mêmes de Jésus : La vie éternelle, c’est de vous connaître, mon Dieu, pour seul Dieu véritable, et de