vrai que tout est confusion dans le système, et que c’est encore plus le hasard des circonstances que la volonté arbitraire des hommes qui en a dicté les lois. En général, ce sont les industries les plus nationales qui souffrent le plus, par la raison fort simple que les conditions onéreuses du système restrictif les atteignent sur un plus grand nombre de points. C’est ainsi que l’industrie linière et celle des soieries, dont la matière première est produite sur notre sol, supportent sur cette matière une aggravation de prix dont l’industrie du coton, qui se sert de matières exotiques, est exempte, puisqu’on lui restitue ou qu’on croit lui restituer la totalité des droits perçus : ce qui n’empêche pas que le marché national ne soit garanti à cette dernière par une prohibition absolue, tandis que les deux autres ne sont mises à couvert de la concurrence étrangère que par des droits relativement très modérés. Nous n’insisterons pas sur ces inconséquences de détail, si extraordinaires qu’elles soient, parce qu’elles disparaissent dans les vices de l’ensemble. Il nous est impossible toutefois de ne pas mentionner d’une manière particulière une industrie importante, plus mal partagé cet égard qu’aucune autre, et qui eût mérité cependant quelques faveurs particulières, en raison des services politiques qu’elle rend : nous voulons parler de la marine marchande.
Tel est le sort actuel de notre marine marchande ; que les conditions onéreuses du système restrictif retombent sur elle de tout leur poids, tandis qu’elle ne jouit que dans une très faible mesure des privilèges plus ou moins étroits que ce régime confère. Considérez, en effet, sa position. Nulle autre n’est grevée de plus de charges. Grace au régime restrictif qui l’enveloppe pour ainsi dire de toutes parts, elle paie à des prix exorbitans, à des prix de monopole, le bois dont elle construit ses vaisseaux, le fer qu’elle y emploie, le cuivre dont elle les double, le goudron dont elle les enduit, le chanvre avec lequel elle les calfate, les câbles, les cordes, les cordages dont elle les garnit, les mâts dont elle les surmonte et les voiles qui pendent à ces mâts ; puis les vivres et les approvisionnemens des équipages, l’habillement des hommes, et bien d’autres choses encore qu’il serait trop long d’énumérer ; sans parler des navigations spéciales, telles que la pêche où ces charges sont encore aggravées de celles qui pèsent sur tous les instrumens. On a constaté dans l’enquête de 1824, publiée seulement en 1840, que la construction d’un navire coûtait 50 pour 100 de plus en France qu’en Sardaigne. La comparaison avec un grand nombre d’autres pays ferait ressortir des différences semblables. Et ce n’est pas seulement dans la dépense une vois faite de la construction d’un navire que cette différence se manifeste, c’est encore dans l’entretien, dans les réparations, qui se renouvellent à peu près à chaque voyage, et dans l’exploitation.