sur quoi l’un de ses collègues, un pauvre ecclésiastique de campagne, réunit les théologiens de son voisinage, qui, au nombre de seize, arrêtèrent entre eux la résolution suivante : « La victoire de la prétendue orthodoxie n’est point chose à souhaiter pour l’église, et nous devons lui résister. » Cette obscure assemblée se tint à Gnadau, le 29 juillet 1841. Celui qui en avait eu l’idée s’appelait Uhlich. Il allait être l’auteur de ce grand mouvement qui en si peu d’années devait changer la face de l’église évangélique ; les amis protestans le reconnaissent pour leur père.
On a naturellement comparé le pasteur Uhlich à l’abbé Ronge, comme on a comparé les amis protestans aux nouveaux catholiques. Il était si commode d’en rester à l’analogie, qu’on a vite effacé les différences. Elles s’expliqueront d’elles-mêmes à mesure que je vais raconter les faits ; mais il en est une que j’ai besoin de signaler tout de suite, parce que c’est plaisir d’honorer un beau caractère et de lui rendre prompte justice : M. Uhlich ne ressemble en rien à M. Ronge. Parmi les nombreux portraits pour lesquels avait posé le docteur de Laurahütte, je me rappelle une image qui le représentait certainement au moral. Enfermé dans une cellule qu’on eût prise volontiers pour la chambre de Faust, plongé dans une vaste chaise gothique, il méditait d’un air sombre, le poing fermé sur la Bible ; la table qui portait le saint livre était couverte d’un tapis magnifique, où l’artiste avait eu la complaisance de dessiner un Hercule aux prises avec l’hydre de Lerne. Ce tapis-là me remit en mémoire la draperie sans fin où Catulle s’amuse à broder les amours d’Ariane au beau milieu du récit des noces de Thétys ; il me parut que l’épisode tenait trop de place dans le poème pour n’être pas le poème lui-même, et l’hydre avait assez l’air de monseigneur de Trèves, pour que M. Ronge fît penser au vainqueur de Lerne. M. Uhlich n’a jamais eu la prétention d’abattre les monstres. On lui sent de premier abord une ame noble et simple, pleine à la fois de chaleur et de gravité. M. Uhlich n’est point un savant, c’est un homme d’action trempé pour la vie réelle, doux dans ses jugemens, inébranlable dans sa conduite, allant droit aux résultats et ne perdant pas son temps aux prémisses, n’allant point où les résultats manquent. Il a su parler de lui-même sans petitesse et sans emphase : la profession de foi (Bekenntnisse von Uhlich) qu’il a publiée en réponse aux violences de ses adversaires est vraiment un chef-d’œuvre de droiture et de dignité. Je le laisserai donc souvent se défendre tout seul ; je rapporterai de même en leur forme les argumens du parti contraire. Peut-être me pardonnera-t-on ensuite ma prédilection.
J’ai tâché d’exposer l’origine et l’état de la croyance rationaliste dans toute cette partie de l’Allemagne. M. Uhlich, en nous disant quelques