leurs contradictions réelles ou supposées restent dans le domaine de la théorie pure, leurs erreurs même sont innocentes. En peut-on dire autant de ceux qui, avec des idées bien autrement confuses, de doctrines cent fois plus incohérentes et des plans toujours contestés, osent soumettre l’empire de leurs théories aventureuses les volontés légitimes de leurs semblables et les destinées du genre humain ?
Au fond, le débat qui s’engage est simple, et, pour l’homme même qui ignore, mais qu’un sens droit dirige, le choix à faire entre les principes en lutte n’est pas douteux. Les partisans du système restrictif regardent sans nul doute comme des rêveurs tous les sectateurs de ces écoles soi-disant socialistes que nous voyons surgir autour de nous, et traitent d’utopies leurs plans humanitaires. A leur tour, ceux-ci dédaignent les courtes vues des partisans des restrictions. Parmi ces derniers même, combien de théories divergentes ! Vingt écoles sont en présence qui toutes, armées de systèmes différens, se disputent le privilège de régenter les hommes, professant d’ailleurs les unes pour les autres un égal et souverain mépris. Au milieu de ce conflit un principe éternel se lève, un droit sacré demande sa place : c’est le principe du libre arbitre de l’homme, c’est le droit de l’échange et du travail. Qui donc ici doit triompher ? Que les fabricateurs de systèmes se réservent l’avenir, à la bonne heure, que chacun d’eux aspire à faire prévaloir ses idées, rien de mieux. On leur accordera de régler selon ces idées les destinées des hommes, soit lorsqu’ils seront tous d’accord, soit lorsque l’un d’eux aura pu convaincre tout le monde de l’infaillibilité de ses recettes. Qu’ils laissent du moins la notion élémentaire, la notion sainte du droit, se faire jour en attendant.
Vaines réclamations, protestations inutiles ! Le système restrictif existe, et il a pour lui, à défaut d’autres titres, le préjugé favorable à ce qui est. Bien plus, un grand nombre d’intérêts actuels s’y rapportent et se croient plus ou moins liés à son maintien. Dans cet état, les considérations de haute morale, de raison, de justice, ne suffisent plus pour le combattre. Les préjugés sont, hélas ! plus forts que la raison, et l’intérêt personnel, bien ou mal entendu, étouffe facilement chez les hommes ou le cri de la conscience ou le sentiment d’un droit qu’on relègue volontiers au rang des abstractions. Tant qu’un grand nombre de producteurs croiront leur intérêt personnel lié à la conservation du système en vigueur, ils s’inquièteront peu des iniquités que ce système engendre et quant aux pouvoirs publics, comment s’arrêteraient-ils devant une violation plus ou moins flagrante des libertés individuelles, quand ils trouvent dans les individus même tant de complices ? Renonçant donc à faire valoir ces considérations impuissantes de justice et de droit, c’est au nom de l’intérêt matériel qu’il faut parler. Il faut montrer que le système restrictif, violateur du droit, est en même temps