marquis et les comtes qui, au XIe siècle, les gouvernaient de par l’empereur ; la famille régnante parvenait à la tyrannie parce qu’elle représentait cette victoire des communes sur l’empire, et, une fois parvenus, les seigneurs tournaient le titre de vicaire impérial ou pontifical contre la ville ; ils voulaient être comtes et marquis, sauf à n’obéir ni à l’église ni à l’empire. Au second pas qu’ils faisaient, les seigneurs tombaient donc dans l’équivoque, l’ambition primait le droit, ils marchaient hors de la loi. La rébellion s’organisait bientôt parmi les familles rejetées au second rang ; guelfes ou gibelines, elles conspiraient contre le règne de la force, avec le secours du pape, de l’empereur, d’un prince ou d’une république, peu leur importait l’allié. Une nouvelle lutte éclatait, celle des républiques contre les tyrans, lutte épouvantable : le seigneur, enveloppé de conspirateurs, moissonnait les familles par centaines ; il était forcé, pour ainsi dire, de commettre à lui seul tous les crimes d’une dynastie ou d’un parti. Azzo Novello d’Este, seigneur de Ferrare, du parti guelfe, en 1312, signa d’un seul coup un arrêt de mort de quatre-cents personnes, tandis que le pape le proclamait défenseur de l’église Quelques années plus tard, Ecelino, du parti impérial, seigneur de Trévise, de Vérone et de Padoue, immolait, on l’a affirmé du moins, jusqu’à cinquante mille victimes. Ubertino Carrara faisait mourir de faim les grandes familles de Padoue. C’était l’ère des massacres. Les républiques rendaient aux tyrans supplice pour supplice : on les poignardait jusque dans les églises, et toute conspiration heureuse se terminait par l’extermination de la famille régnante Ainsi périrent les Altichindi, massacrés à Padoue : on avait découvert, dans les souterrains de leur palais les victimes entassées pêle-mêle, mortes et mourantes. Pise broya successivement la famille d’Ugolino de la Gherardesca, Ugucione de la Fagginola, les fils de Castruccio Castracani, Agnello, les Appiani, les Gainbacorti, massacrés deux fois. Bologne sacrifia les Zambeccari, les Pepoli ; les Bentivoglio furent décimés quatre fois en quarante-trois ans avant de pouvoir s’imposer avec un semblant de sécurité, en égorgeant à leur tour les Canedoli, les Malvezzi et les Marescotti. La famille d’Ecelino fut complètement exterminée à Trévise, depuis les vieillards jusqu’aux femmes et aux enfans, tant l’on craignait un vengeur.
La lutte des républiques et des tyrans se termina presque partout par le triomphe définitif des seigneurs. L’aristocratie domptée, le terrain une fois déblayé par les premières tentatives, il était possible de régner. Après Ecelino, Vérone acceptait les Della Scala, Padone les Carrare : à Milan, la dynastie guelfe des Torriani cédait la place à la dynastie gibeline des Visconti ; au contraire, dans la Marche de Trévise, les Da Camino, guelfes succédaient aux Da Romano gibelins ; à Ferrare, la famille d’Este, guelfe, remplaçait les Torelli, du parti impérial. Les vieux partis guelfes et gibelins s’effacèrent alors déconcertés comme devant une