Cantelmi, cent quarante ans après la conquête, était le premier Angevin qui épousât une Napolitaine. La rivalité fut donc universelle, et, comme personne ne nia les deux suprématies du pape et de l’empereur, personne ne brisa le pacte du moyen-âge. Deux Italies se trouvèrent ainsi aux prises, enchevêtrées l’une dans l’autre, de manière à ne pouvoir ni vaincre ni périr.
Telle fut la lutte des guelfes et des gibelins : à cette morne dualité du pape et de l’empereur, qu’avait conçue Charlemagne, avait succédé la guerre des villes contre les châteaux, devenue plus tard la guerre des familles industrielles et féodales, et aboutissant enfin à la dualité brillante de deux sociétés héroïques et aventureuses. Le mouvement italien était ainsi entraîné sans cesse par-delà les limites du droit rigoureux, tel qu’il existait au moyen-âge. Depuis Frédéric II, les deux chefs de la chrétienté ne dominèrent les deux partis que d’une manière nominale : on vit des papes combattre les guelfes par les gibelins, des empereurs combattre les gibelins par les guelfes ; on vit les deux castes aux prises avec fureur, tandis que la paix unissait le pape et l’empereur. Une seule chose est certaine : l’élection des deux chefs de la chrétienté renouvelait, pour ainsi dire, les motifs de la division. À chaque conclave revivaient plus énergiques toutes les haines soulevées par le dernier pontife ; la réaction s’emparait presque toujours de son successeur, et le mouvement se communiquait de proche en proche à toutes les familles, à toutes les républiques. Le voyage et le couronnement de l’empereur étaient à leur tour le signal des révolutions gibelines ; on exploité l’autorité impériale, sauf à la remplacer plus tard quand l’empereur avait quitté l’Italie. C’est au milieu de ces luttes que la noblesse italienne achevait la première période de son histoire.
Du XIe au XIIIe siècle, la lutte des familles rivales avait remplacé la guerre des villes et des châteaux ; du XIIIe au XVe siècle, cette lutte aboutit à la victoire d’une famille dans chaque république. De là les seigneurs, et par conséquent une nouvelle révolution dans l’aristocratie italienne. Ici l’Italie semble se dérober à toute loi, chaque état est un monde à part ; il a ses républicains et ses rois ; chaque famille ne relève que d’elle-même ; placée entre le pape et l’empereur, les guelfes et les gibelins, les seigneuries[1] et la république, elle est libre de choisir
- ↑ Le mot de seigneurie correspond à celui de domination : On disait des podestats, seigneurs, andavano in signoria, car ils allaient exercer une domination. On appela ensuite seigneurs les princes issus de la commune ; ceux créés par l’église ou par l’empire étaient comte, marquis, ducs ou rois.