d’orthodoxie, quand il morigénait si vertement ses contemporains, il parlait comme parle quelquefois sa majesté prussienne, avec l’assurance un peu despotique du pouvoir paternel. Puis, s’agissait-il d’arriver des principes aux résultats, il oubliait la rigueur pédantesque de son dogmatisme officiel et marchait en tacticien, cédant à propos quelque chose pour mieux guider le reste ; on n’est point encore si savant à Berlin. Grace à cette méthode toute parlementaire, le ministère saxon devait finir, comme il y a presque aujourd’hui réussi, par neutraliser les effets d’une législature qui s’annonçait si menaçante. On s’était prémuni contre la dureté de ses anciennes exigences, il alla lui-même au-devant de celles du public, c’était le meilleur moyen de ne les contenter qu’à moitié.
J’assistais avec intérêt à cette lutte ainsi engagée sur un terrain presque imprévu. M. de Lindenau s’était retiré pour avoir dénié aux mandataires de la nation le droit de répondre directement à la personne du monarque ; le droit d’adresse était, cette fois, reconnu, mais on n’en voulait qu’une seule pour les deux chambres, et on leur imposait l’embarras d’une rédaction commune. M. de Koenneritz, à la session précédente, avait, durant dix séances, défendu contre tout le parlement les institutions judiciaires de l’ancien droit germanique ; il s’était énergiquement opposé aux moindres réformes ; dans un nouveau projet de loi, il se refusait toujours à laisser juger en public, mais il consentait à laisser juger sur plaidoirie et non plus seulement sur pièces. Enfin, après s’être prononcé dès l’abord avec tant de sévérité contre le mouvement de l’église catholique et l’église protestante, il offrait de lui-même une sorte de protection légale aux rongiens et une constitution presbytérienne aux évangéliques. Ajoutons maintenant qu’on s’est donné trois ans pour étudier suffisamment cette constitution, que les rongiens doivent participer aux frais du culte romain pour garder leurs droits civils, et se faire assister d’un pasteur protestant pour baptiser et marier ; que les états ont rejeté le projet d’ordonnance judiciaire, et que M. de Koenneritz en a été quitte pour abandonner son département sans perdre la présidence ; que les deux chambres n’ont pu s’entendre sur les termes d’une adresse unique, et qu’il n’y a pas eu d’adresse, comme il n’y a pas eu de réforme dans la procédure. Voilà bien un succès de ministres parlementaires ! Ajoutons aussi cependant qu’au milieu de toutes ces habiletés, on ne se faisait pas faute des vieilles ressources de la rhétorique absolutiste : l’esprit humain était malade ; il avait sans doute des besoins nouveaux, mais, comme ces besoins se traduisaient par le désordre, ils ne pouvaient être un gage de santé ; si les intelligences étaient saines, elles accepteraient la règle et reconnaîtraient des droits avant d’en demander. Voilà bien des ministres allemands et du style de chancellerie !