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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 juillet 1846.


Comment peindre la tristesse et le dégoût que nous fait éprouver le nouvel attentat contre la personne du roi ? Cette persévérance dans le crime de quelques esprits dépravés et en démence confond la raison et l’humilie profondément. C’est en vain que la civilisation se développe, que l’instruction se répand, que les masses deviennent plus éclairées et plus heureuses ; tous ces progrès, tous ces résultats, sont impuissans contre une maladie inexplicable, où domine surtout le plus stupide orgueil. Jamais ce contraste n’aura été plus frappant. Tout le monde était d’accord pour se féliciter de l’amélioration sensible de nos mœurs politiques ; on remarquait dans quel calme profond le pays traverse l’épreuve d’une élection générale, et demande au jeu régulier de nos institutions les satisfactions et les réformes qui peuvent être l’objet de ses désirs. C’est au milieu de cette excellente disposition des esprits qu’éclate un nouvel accès d’une déplorable monomanie. Voilà une triste part à faire à l’imprévu. Cependant il ne faut pas que les impressions que nous en recevons nous exagèrent la portée d’extravagances parties de si bas ; ce qu’il faut en face de pareils accidens, c’est de s’attacher de plus en plus à la pratique, au culte de nos institutions, qui seules peuvent offrir à la société des garanties vraiment durables.

En se décidant à dissoudre la chambre de 1842, le ministère eut l’espérance de voir les électeurs lui envoyer une majorité nouvelle dont la force numérique et le franc concours lui rendraient le gouvernement plus facile et plus commode. Même avant que l’urne électorale ait parlé, nous croyons qu’aujourd’hui le cabinet doit se faire de son avenir une moins riante image. Il a pu juger, depuis six semaines, des sentimens et des dispositions du pays, en pressentir les exigences dont il trouvera des interprètes même au sein du parti conservateur, retrempé par l’élection. Le pays, malgré les coupables tentatives de quelques hommes pervers, ne doute plus du triomphe définitif de la monarchie de 1830 sur les partis extrêmes qui l’ont pendant long-temps combattue ; il voit le régime nouveau affermi par seize années de durée, et garanti contre de futures épreuves par des institutions prévoyantes. Que doit conclure le bon sens du pays de cette prospérité qui nous est confirmée sur tous les tons par les organes du pouvoir, sinon qu’il ne faut pas s’y endormir, mais en user et en faire le point de départ, l’instrument de modifications fécondes dans la conduite des affaires ?