ces tableaux se sont-ils désaccordés, tandis qu’au contraire le coloris de l’Odalisque a gagné et gagnera encore, le temps ne pouvant qu’harmoniser des tableaux dont toutes les parties sont exécutées avec le même soin consciencieux, la même horreur de l’à peu près. A la longue, les duretés s’effacent, et la sécheresse du contour disparaît. Nous concevons toutefois le scandale que dut soulever cette Odalisque d’une beauté si sévère et si calme, quand elle se trouva en compagnie de la Galathée de Girodet, de l’Eurydice de M. Drolling, et des Nymphes et Baigneuses de MM. Laucrenon, Pallière et Monanteuil. Le dessin de l’Odalisque endormie, que M. Ingres peignit plus tard, a plus de souplesse que celui de la grande Odalisque. La partie supérieure de la figure est un petit chef-d’œuvre de grace voluptueuse et d’abandon ; mais, à partir des hanches, il y a quelque chose de contourné dans le torse, et que la nature a pu présenter sans doute, qui tient à la pose de la figure, mais qui a toute l’apparence d’une incorrection, le nombril et les muscles du ventre ne paraissant plus à leur place.
Cette période de lutte, qui comprend près de quinze années, de 1810 à 1825, fut favorable au talent de M. Ingres ; la critique a pu lui arracher des cris de douleur ou de colère, elle ne l’a jamais accablé. Cette loi, qui veut que la résistance seule amène le complet déploiement des forces, est surtout applicable aux beaux arts. Pendant la seconde partie de son séjour en Italie, M. Ingres, mis au ban de l’école, et que les commandes importantes n’allaient pas chercher, ne produisit guère, outre des portraits, que des compositions de petite dimension. La Chapelle Sixtine, Raphaël et la Fornarina, Francesca da Rimnini, le Maréchal de Berwick, l’Arétin, les deux tableaux de Henri IV, la Mort de Léonard de Vinci, Roger et Angélique, et l’Entrée de Charles V à Paris, furent exécutés durant la période dont nous parlons. L’examen de quelques-uns de ces tableaux nous permettra d’apprécier le talent de l’artiste à cette époque difficile de son existence, c’est-à-dire pendant les quinze ans qui précèdent le Vœu de Louis XIII et l’Apothéose d’Homère, moment de l’avènement et du triomphe. JéhanPastourel, président du parlement de Paris, présentant Jean Maillard au Dauphin, depuis Charles V, à son entrée dans Paris, et Philippe V donnant l’ordre de la Toison-d’Or au maréchal de Berwick, sont deux scènes historiques traitées dans un goût tout différent. Jéhan Pastourel est plutôt un tableau chronique qu’un tableau historique. A voir les poses naïves et quelque peu raides des personnages, leurs figures gauloises si finement caractérisées, leurs ajustemens scrupuleusement calqués sur les monumens de l’époque, on dirait une vignette détachée d’un manuscrit de Froissart. Les groupes qui précèdent ou qui suivent le dauphin, bannières déployées, et la figure même du dauphin, présentent un spécimen curieux du style littéralement archaïque, si distinct du style historique à la mode pendant