et, dans ses compositions, abstraites quelquefois jusqu’à l’obscurité, mais où apparaît toujours un grand caractère, il subordonna, avec un rare bonheur, l’imitation de Raphaël et de Michel-Ange à celle de l’art antique. Carstens, c’est Flaxman sans la manière. Thorwaldsen a moissonné dans le sillon que le peintre du Holstein avait ouvert.
Lorsque David se rendit à Rome, en 1774, comme pensionnaire de l’académie de peinture, il était encore sous l’influence du mauvais goût de l’époque. David vit le résultat des tentatives de Raphaël Mengs ; il entendit professer dans les salles du Vatican et du Capitole les doctrines de Winckelmann et de l’abbé Barthélemy en présence des chefs-d’œuvre qui les avaient inspirées ; ses yeux s’ouvrirent, et il résolut de compléter dans l’art de la peinture cette révolution que Mengs à son avis n’avait fait qu’indiquer. David s’appliqua aussitôt à dégager l’élément antique de l’élément italien, différent en cela de Mengs qui, lui, s’était efforcé de les réunir. Raphaël et le Corrège furent mis de côté, et les peintures de Pompéia, les œuvres du ciseau grec, furent les seuls modèles qu’on dut consulter. Sous l’empire de ce génie absolu, et soumise aux influences politiques et littéraires du moment, l’école française devint grecque et païenne ; l’imitation se renferma dans certaines limites rigoureusement posées ; l’art s’isola du présent, et, franchissant en arrière un intervalle de vingt siècles, reprit la tradition où les artistes grecs l’avaient laissée, mais avec cette froideur qui s’attache à des abstractions trop systématiques et trop solennelles pour ne pas exclure la grace.
M. Ingres, élève de David, débuta comme tous les artistes du temps par la reproduction conventionnelle du bas-relief et de la statue. Achille recevant dans sa tente les députés d’Agamemnon, et Antiochus renvoyant à Scipion l’Africain son fils fait prisonnier sur mer, sont ses deux premiers tableaux. L ‘Antiochus obtint le second prix de peinture en 1799, et l’Achille le grand prix en 1802. Dans le tableau d’Antiochus, l’action est confuse et difficile à saisir. Les personnages sont chargés de draperies étudiées avec soin, mais d’un dessin trop tourmenté. Cette composition renferme cependant quelques détails excellens, par exemple, la figure du jeune fils de Scipion qui s’appuie contre son père et celle du vieillard accoudé derrière le général romain. Ces deux figures, et particulièrement celle du vieillard, indiquent déjà un certain parti pris d’indépendance. Le tableau d’Achille annonce la même volonté énergique. On assure que Flaxman répétait que le tableau de ce débutant était ce qu’il avait vu de mieux en France. Pour s’expliquer cette prédilection de Flaxman, il suffit de jeter un coup d’œil sur cette composition, conçue dans le style sévère des dessins du sculpteur anglais. La plupart des personnage ; sont nus, et leurs attitudes, particulièrement celles des chefs, debout devant Achille, ont quelque chose de la raideur