Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/520

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

PEINTRES ET SCULPTEURS


MODERNES.




I.
M. INGRES.




Nul homme n’a soulevé aussi énergiquement que M. Ingres les applaudissemens ou les colères de la critique. Pendant une période de près de trente années, chaque nouvelle production de son pinceau a été l’occasion de controverses animées, et comme il arrive d’ordinaire, quand les partis sont en présence, on a répondu à des éloges excessifs par le blâme le moins mérité. Tandis que les uns attribuaient à celui qu’ils proclamaient le moderne Raphaël toutes les qualités qui font le grand artiste, la science de la composition, la beauté du style, la profondeur de la pensée, la rigueur du dessin et même une entente très suffisante du clair-obscur et de la couleur, les autres lui déniaient tout mérite et allaient jusqu’à dire que l’auteur de la Chapelle Sixtine ne savait pas peindre, et que le peintre des deux Odalisques ne savait pas dessiner. Nous nous sommes toujours défié de ces jugemens extrêmes. Nous croyons peu sur parole à ces hautes renommées, à ces gloires incontestables ; mais nous croyons encore moins à cette négation si exclusive de tout mérite et de toute qualité. Un homme qui a des admirateurs si enthousiastes, des détracteurs si passionnés, n’est certainement pas un homme ordinaire. Pour se rendre raison de sa valeur réelle, nous pensons qu’il faut examiner les pièces du procès, c’est-à-dire ses œuvres, avec ce désintéressement impartial que tout homme de