tel discours du procès-verbal pour en renfermer l’effet dans l’enceinte où il a été prononcé, l’entreprise serait assez difficile. Au lieu d’avoir devant elle le concessionnaire de quelque pauvre feuille dont la fortune dépend de son caprice, il lui faudrait traiter avec un des grands pouvoirs du pays. Elle a jusqu’à présent reculé ; les séances des chambres sont fidèlement rendues, et ces communications régulières entretiennent le goût de la vie publique.
Une cause plus notable encore a contribué beaucoup au développement politique de la Saxe : celle-ci mérite toute notre attention. Les deux princes qui se sont succédé depuis 1831 ont régné presque à la façon des vrais souverains constitutionnels, régné sans trop engager leur personne. Il faut dire que l’Allemagne, sur ce chapitre fort scabreux, est naturellement moins ombrageuse et se contente plus aisément que la France. Qu’un roi choisît ses conseillers à sa seule fantaisie, qu’il les gardât tant que durerait son bon plaisir, que les défaites du scrutin ne changeassent rien à ses affections, cela sûrement nous fâcherait un peu, même aujourd’hui ; cela n’est point du tout extraordinaire pour nos voisins, et les hautes puissances entendent qu’il en soit ainsi chez les petites. Les dispositions particulières du chef de l’état, ses goûts, ses passions, ses théories, ses intérêts privés, deviennent ainsi de grosses affaires. C’est lui qui dans toutes rencontres se porte en avant ; les ministres demeurent respectueusement à l’écart. Voilà, qui s’appelle gouverner ! Les princes saxons n’ont pas du moins gouverné de cette manière-là ; ils ont usé plus discrètement de leur autorité ; leur confiance une fois placée dans un cabinet responsable, ils ont travaillé loyalement avec lui sans disputer sur le légitime exercice de ses droits, et de toute l’Allemagne la Saxe est le pays où les conseillers de la couronne ressemblent le moins à des commis. Le roi Antoine se contentait, par caractère et par habitude, d’un rôle qui le compromettait peu ; le roi régnant, Frédéric-Auguste, s’y tient par raison, et, très capable d’exercer une influence plus directe sur la marche des choses, il a jusqu’ici montré assez d’abnégation pour ne point déchirer la fiction constitutionnelle. Aussi le peuple saxon l’a prise plus au sérieux, et, toutes les questions étant réellement débattues entre les chambres et le ministère, c’est au ministère surtout que l’opinion s’adresse ; elle ne remonte pas jusqu’à la personne royale, comme en Prusse, où les choses se passent exactement de la façon contraire. Le champ de la discussion reste ainsi plus libre et plus large.
Enfin, et c’est le principal, la Saxe a fait son éducation politique sous un noble maître ; elle a eu le bonheur d’être dirigée jusqu’en 1843 par l’un des hommes les plus distingués qui aient représenté la sagesse libérale, en Allemagne depuis 1830 ; je veux parler de M. de Lindenau. L’histoire de son administration, celle de sa retraite, jettent trop de lumières