furent prises successivement pour la procédure criminelle et la jurisprudence commerciale. Colbert assista à ces conférences et s’y distingua sans doute par l’autorité du bon sens, comme plus tard brilla Napoléon par des éclairs de génie, lorsque le conseil d’état eut à remanier l’œuvre patronée par Colbert. L’ordonnance de 1666 pour la réformation de la justice civile, celle de 1670 pour la justice criminelle, et celle de 1673 concernant le commerce, régirent la nation française jusqu’à la promulgation des codes en vigueur aujourd’hui. La création d’une lieutenance de police à Paris, les édits pour la répression des délits correctionnels comme la mendicité et le vagabondage, appartiennent sans partage à Colbert.
Avec un prince fastueux comme Louis XIV, la surintendance des bâtimens était loin d’être une sinécure. Qu’on rapproche par l’imagination les merveilles du règne, les 54 lieues, les 75 écluses et l’immense réservoir du canal du Languedoc, l’éclosion féerique de Versailles, la colonnade du Louvre, l’Observatoire, le Val-de-Grace, les Invalides, et cent autres fondations de luxe ou d’utilité, et qu’on se représente le surintendant comparant les devis, épurant les comptes, guidant les ingénieurs, échauffant les artistes ! Tel nous le montre son nouvel historien dans deux chapitres d’un intérêt véritable. Un des traits distinctifs de Colbert fut la sévère économie sans lésinerie. Suivant la remarque de M. Clément, les constructions de Louis XIV, exécutées avec 165 millions de livres, somme dont la valeur relative serait aujourd’hui de 480 millions de francs, ne pourraient pas être reproduites au prix d’un milliard. La dotation de l’Académie française, fille de Richelieu, et celle des trois filles de Colbert, les Académies des Inscriptions, des Sciences et de Peinture, les pensions aux gens de lettres et artistes, aux savans nationaux et étrangers, n’absorbaient qu’une somme bien inférieure aux sacrifices qu’on fait actuellement dans le même but[1]. Cependant le siècle de Louis XIV a dû une partie de son prestige à la libéralité qui séduisit les hommes d’intelligence. Ne faut-il pas faire honneur de ce résultat à la perspicacité de Colbert, qui, en versant les faveurs sur le vrai mérite, savait donner à la récompense positive une valeur incalculable ?
De 1661 à 1672, Colbert fut tout-puissant en France. Son crédit commença à déchoir pendant la guerre générale qui suivit la campagne de Hollande. Avec les plus grands généraux du siècle, avec les ressources d’une bonne administration, le roi de France put tenir tête au reste de l’Europe, et, après la paix de 1678, ses flatteurs furent autorisés à lui
- ↑ Les pensions littéraires, par exemple, ne se sont jamais élevées à plus de 100,000 livres, somme qu’il faut tripler pour établir une comparaison avec notre temps.