trop long d’énumérer toutes les tracasseries, les subterfuges, les exactions subies par le commerce français ; je citerai seulement un dernier trait. Nos bâtimens ne pouvaient charger dans les ports britanniques qu’à défaut de concurrence anglaise, et, s’il arrivait parfois qu’après un chargement effectué par un équipage français un capitaine anglais se présentât pour la même destination, on faisait décharger le premier bâtiment au profit du second. Or, quelle était, à la même époque, la situation du commerce anglais en France ? Le vieil économiste à qui j’emprunte ce tableau résume ainsi le contraste « Les Anglais prohibent toute marchandise comme il leur plaît et quand il leur plaît ; au contraire, tout leur est permis en France, tout leur est libre en tout temps… ils ont en notre royaume tous et tels droits que nous, et bien souvent y sont plus favorablement traités.
La France était également une terre de liberté pour les Espagnols, tandis que les Français avaient à subir dans la Péninsule les tracasseries d’une police fanatique et rapace. Les droits perçus à l’entrée et a la sortie n’y étaient pas combinés, comme en Angleterre, dans le but de favoriser l’industrie nationale : le gouvernement espagnol ne songeait qu’à remplir ses coffres ; ces droits n’en étaient pas moins révoltans, surtout par comparaison avec le tarif des douanes françaises. Ainsi, tandis que la France se contentait de prélever sur les achats et les ventes un droit moyen de 2 et demi pour 100 sur les valeurs déclarées, la douane espagnole s’attribuait en moyenne sur les mêmes échanges un droit de 10 à 20 pour 100. Un fait dont je retrouve la trace dans les mêmes documens mérite d’être signalé comme un exemple des funestes conséquences d’une erreur économique. Après le règne de Philippe II, le gouvernement espagnol ne s’expliquait l’appauvrissement phénoménal du pays que par la constante exportation des métaux précieux. En conséquence, il prohiba, sous les peines les plus sévères, la sortie de l’or et de l’argent, bien qu’ils fussent le principal objet d’échange pour les possesseurs des mines du Nouveau-Monde. Ayant ainsi stérilisé sa plus féconde industrie, l’Espagne, réduite à acheter en France les marchandises nécessaires à ses colonies maritimes, fut obligée de donner en retour les denrées souvent indispensables à sa population métropolitaine, ses vins, ses huiles, ses fruits, ses laines, ses cuirs. Or, ces denrées que les Français ne prenaient qu’à vil prix, parce qu’ils ne les acceptaient qu’à contre-cœur, devenaient rares dans la péninsule, et y atteignaient un prix d’autant plus élevé que les métaux précieux, dont l’écoulement naturel était suspendu, s’avilissaient par leur abondance. Malgré la défense, nos marchands emportaient bien quelquefois les doublons espagnols ; mais, suivant le vieux témoin que j’interroge, ce genre de contrebande était excessivement dangereux, de sorte qu’en résumé le commerce de la France avec l’Espagne,