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Aberdeen à l’égard du Brésil n’a pas eu d’apologiste plus déclaré que lord Palmerston. On ne peut guère supposer que le cabinet de Rio-Janeiro soit désormais plus docile que par le passé aux exigences de l’Angleterre, car, dans cette question de dignité nationale, il est assuré du concours et de l’approbation du pays. La réponse de la chambre des députés au discours prononcé par l’empereur à l’ouverture de la session ne laisse aucun doute à cet égard. « La chambre, disait cette adresse, considère la loi du parlement britannique qui soumettrait aux tribunaux d’une nation étrangère les navires brésiliens soupçonnés de se livrer à la traite des noirs, comme contraire aux principes de l’indépendance et de la souveraineté nationales. C’est pourquoi la chambre approuve la protestation de votre gouvernement contre cette loi. Appréciant la bonne foi que votre gouvernement a mise à remplir ses obligations envers la Grande-Bretagne, elle vous promet son concours loyal et unanime pour maintenir les prérogatives de la couronne et les droits de la nation. »

Si l’on considère la question de la traite en faisant abstraction des motifs d’humanité qui exigent impérieusement la suppression de ce cruel trafic, il est évident que le Brésil ne saurait se l’interdire sans porter le plus grave détriment à sa prospérité et à sa situation économique. Au Brésil, le climat ne permet pas à la race blanche de se livrer impunément à la culture ; et le permettrait-il, cette race abâtardie, énervée par l’influence de la température, serait incapable de prendre la place des noirs et de se livrer au défrichement d’un sol vierge on à l’exploitation non moins pénible des mines. Or, il a été constaté que la population esclave diminue fatalement, rapidement, et s’éteindrait bientôt, si elle n’était incessamment renouvelée ; les morts y dépassent de 5 pour 100 le nombre des naissances. Voilà de bonnes raisons pour que les Brésiliens ne renoncent pas volontairement à la traite. Les préjugés, les mœurs, qui pourraient combattre au nom de l’humanité les exigences de l’intérêt, loin d’être hostiles à ce trafic, y sont éminemment favorables, et ce concours des plus puissans mobiles semble présenter un obstacle insurmontable à la réalisation des vues philanthropiques et non moins intéressées de l’Angleterre.

Que fera donc l’Angleterre ? Il serait absurde de supposer un instant qu’elle reculera. Ce gouvernement, qui n’a jamais cédé devant les forts, céderait-il devant une puissance du troisième ordre, qui n’a à opposer à ses formidables ressources qu’une inertie dont il se flatte d’avoir aisément bon marché ? D’ailleurs, il n’est pas libre sur cette question. Il persistera donc sans fléchir dans la voie où il est entré, et ira jusqu’au bout, quelles que soient les difficultés qu’il doive y rencontrer. « Lorsque le parlement, disait lord Brougham, le 11 avril 1843, dans la