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au traité conclu le 3 juillet 1842, qui est de tout point conforme aux conventions de 1831 et de 1833 passées entre la France et l’Angleterre, seulement avec cette différence très importante qu’au lieu d’être temporaire comme l’étaient ces conventions, il est définitif, et qu’en outre il admet l’assimilation de la traite à la piraterie.

Si le cabinet anglais avait cru que le Brésil céderait comme avait fait le Portugal, il s’était étrangement trompé : à peine le bill avait-il été déposé, que l’envoyé brésilien protesta par une note fort énergique adressée à lord Aberdeen le 25 juillet. Le gouvernement brésilien approuva cet acte, et l’empereur ordonna immédiatement à son ministre des affaires étrangères, non-seulement de ratifier en son nom cette protestation, mais aussi « de présenter un exposé détaillé des faits et du droit qu’a le gouvernement impérial de se prononcer avec toute l’énergie que peuvent donner la conscience et la justice contre un acte qui usurpe si directement les droits de souveraineté et d’indépendance du Brésil, aussi bien que ceux de toutes les nations. » C’est ce que fit le 22 octobre 1845 M. Antonio Paulino Limpo de Abreu dans une protestation remarquable dont nous citerons la conclusion. « De ce qui vient d’être exposé, disait M. de Abreu, il résulte, avec toute évidence, que la loi du 8 août, rendue sous prétexte de mettre en vigueur les dispositions de l’article 1er  de la convention de 1826, ne peut se fonder ni sur le texte ni sur l’esprit de cet article, qu’elle blesse les principes les plus clairs et les plus positifs du droit des gens, et enfin qu’elle porte une grave atteinte à la dignité et à l’indépendance du Brésil, aussi bien qu’à celles de toutes les autres nations. Pour ces motifs, le soussigné, ministre et secrétaire d’état des affaires étrangères, au nom et par l’ordre de sa majesté l’empereur, son auguste souverain, proteste contre l’acte ci-dessus mentionné, comme évidemment injuste, abusif, attentatoire aux droits de dignité et d’indépendance de la nation brésilienne, et, ne reconnaissant aucune de ses conséquences que comme des résultats de la force et de la violence, il fait ses réserves dès à présent pour toutes les pertes et dommages que viendrait à en souffrir le commerce licite des sujets brésiliens, auxquels les lois promettent et sa majesté l’empereur doit une constante et efficace protection. »


V.

Tel est le point auquel ont abouti en quelque sorte fatalement l’Angleterre et le Brésil. Cette situation est-elle sans issue ? Cela ne saurait être, mais il est évident qu’il est très difficile d’en sortir, autant pour l’Angleterre que pour le Brésil, d’une manière honorable et sans abandonner la position prise de part et d’autre. Le gouvernement anglais