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de voir, dans les sentimens d’hostilité et de malveillance qu’avait excités sa conduite récente, des symptômes peu équivoques de son erreur. Bien loin d’accueillir les propositions exorbitantes de M. Ellis, le cabinet brésilien manifesta tout d’abord des exigences qui parurent énormes aux yeux du gouvernement anglais, mais qui, en réalité, n’étaient que justes et raisonnables. « Si M. Ellis, disait M. Gladstone dans la chambre des communes, le 7 mars 1844 ; si M. Ellis a échoué dans sa négociation, c’est à cause des prétentions exagérées du Brésil. Cette puissance a demandé d’abord que ses sucres fussent admis sur le pied de l’égalité avec les sucres des colonies anglaises, et elle s’est enfin rabattue sur un droit différentiel d’un dixième seulement, de sorte que, tandis que le droit sur le sucre de nos colonies est de 25 sh., nous aurions admis les sucres du Brésil à 27 sh. 6 d. La mission de M. Ribeiro, envoyé du Brésil à Londres, a également échoué, parce que l’importance excessive qu’il a attachée au commerce du Brésil a suscité d’insurmontables objections. En échange d’une différence de 2 sh. 6 d. en faveur de nos sucres coloniaux, le Brésil offrait de taxer nos tissus de laine à raison de 30 et nos tissus de coton à raison de 40 pour 100. Ces droits étaient établis non comme source de revenus, mais comme protecteurs des fabriques brésiliennes. D’un autre côté, dans un rapport officiel, le gouvernement du Brésil a déclaré que le chiffre de 60 pour 100 était le moins élevé qu’il fût possible de fixer pour protéger utilement les intérêts brésiliens.

C’est sur ces entrefaites que sir Robert Peel présenta un bill qui, tout en maintenant le droit prohibitif de 63 sh. par quintal sur les sucres des colonies espagnoles et du Brésil, abaissait à 34 sh. celui des pays où l’esclavage des noirs n’existait pas ou n’avait jamais existé. Cette mesure n’était pas de nature à faire revenir le cabinet de Rio-Janeiro de ses dispositions hostiles à l’égard du commerce et de l’industrie britanniques, et encore moins à le rendre plus accommodant à l’endroit des prétentions de l’Angleterre pour la répression plus efficace de la traite. Néanmoins le cabinet anglais n’avait pas perdu tout espoir, et se flattait de vaincre les répugnances du Brésil. Le 26 juillet 1844, sir Robert Peel disait dans la chambre des communes : « Je crois en vérité que la traite est le trafic le plus inique qui ait jamais existé, qu’il engendre plus de misère, qu’il entraîne à plus de crimes qu’aucun acte public qui ait jamais été commis par aucune nation, quel que fût son mépris pour les lois divines et humaines. Je dis, et il faut qu’on le sache, qu’il y a deux nations, deux seulement, qui sont coupables de la continuation de ces crimes. Toutes les puissances civilisées, ces deux puissances seules exceptées, ont le désir de concourir à la suppression de la traite. Si l’Espagne et le Brésil voulaient coopérer avec zèle à cette œuvre, nous verrions la traite cesser complètement ; mais nous ne pouvons