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IV.

Nous entrons maintenant dans une nouvelle phase du débat. On va voir éclater et se formuler en actes décisifs cette tendance des deux gouvernemens à s’éloigner des vues conciliatrices qui, au moins en apparence, les avaient dirigés jusque-là ; tous deux, sous l’empire de circonstances incidentes et jusqu’à un certain point étrangères à la question principale, sont amenés à prendre une détermination déplorable. Le Brésil refuse, non pas seulement d’ajouter aucun article nouveau à la convention de 1826, mais même de reconnaître à ce traité une plus longue existence ; l’Angleterre se trouve dans la nécessité de réaliser ses menaces, c’est-à-dire d’adopter des mesures capables de maintenir en vigueur le principe essentiel de cette convention.

On a vu plus haut que, dans les derniers mois de 1842, M. Ellis était arrivé à Rio-Janeiro avec la mission de traiter du renouvellement du traité de commerce qui liait l’Angleterre et le Brésil, et dont le terme expirait le 10 novembre 1844. Ce traité, qui datait de 1827, était exclusivement à l’avantage de la Grande-Bretagne. Tandis que ses produits manufacturés n’étaient frappés que d’un droit très modéré, 15 pour 100 ad valorem en moyenne, elle prélevait sur les principaux produits du Brésil des droits exorbitans : le café payait un droit d’entrée équivalant à 200 pour 100, et le sucre était en quelque sorte prohibé par le droit de 63 shillings par quintal, qui équivalait à 300 pour 100 ad valorem. Il en résultait que, tandis que les importations britanniques au Brésil s’élevaient à une somme considérable, les exportations en retour étaient si bornées par la force même des choses, que les navires anglais, qui avaient le monopole des transports, étaient obligés de revenir sur lest[1] . Un tel état de choses, désavantageux pour la marine et le commerce britanniques, était encore bien plus contraire aux intérêts producteurs du Brésil. Il ne pouvait donc se maintenir plus long-temps, et le Brésil attendait avec impatience l’expiration du traité de 1827 pour obtenir des conditions plus favorables. Telle était aussi l’espérance dont se flattait l’Angleterre. Si elle n’eût été aveuglée par sa confiance accoutumée en sa bonne fortune, elle n’eût pas manqué

  1. L’Angleterre a importé au Brésil, en produits manufacturés seulement,
    en 1841 pour une valeur de 2,556,554 liv. st.
    1842 - - - de 1,756,805
    1843 - - - de 2,140,133
    1844 - - - de 2,413,538
    Les tissus de coton entraient pour près de la moitié dans ces sommes ; venaient ensuite les tissus de laine et les tissus de fil. Durant ces mêmes années, les exportations du Brésil pour l’Angleterre n’ont pas dépassé en moyenne 500,000 liv. st.