traitans. Les juges de paix auxquels est confiée l’exécution des mesures protectrices des noirs sont propriétaires d’esclaves. Il y a, au Brésil, une loi qui punit les négriers de vingt années d’emprisonnement ; mais cette loi n’a pas été appliquée une seule fois, quoique le commissaire anglais attaché à la commission mixte de Rio-Janeiro ait sollicité des poursuites en maintes occasions, et que le gouvernement anglais ait adressé des plaintes à ce sujet. Les places, les ordres, les honneurs, les dignités, n’ont pas cessé d’être le partage de traitans connus. » Tel était en 1842, tel est encore l’état de l’opinion publique au Brésil en faveur de la traite, que les stipulations des traités étaient partout regardées comme lettre morte. Il n’est pas d’obstacles que ne rencontrassent les membres anglais de la commission mixte ; les jugemens de ce tribunal étaient suivis de procès interminables toutes les fois qu’il s’agissait d’une condamnation. Les sommes provenant de la vente des bâtimens négriers n’étaient touchées qu’au bout de plusieurs années. Pour accélérer la marche des affaires, il fallut que le gouvernement anglais forçât le Brésil à rendre un décret qui interdisait aux tribunaux tout acte de nature à entraver l’exécution des sentences de la commission mixte. « Je suis fâché, écrivait deux ans après M. Hamilton à lord Aberdeen, je suis fâché d’avoir à vous répéter que ce décret n’a encore produit aucun avantage sensible, et qu’il n’a pas obtenu des autorités locales l’obéissance qui lui est due. »
Un tel état de choses avait pour conséquence inévitable de substituer des deux parts une dangereuse irritation à cet esprit de justice, de conciliation, de respect aux traités qui seul pouvait mener à bon terme l’entreprise difficile où l’on s’était engagé. Tandis que les Brésiliens, sûrs de la tolérance, de la protection même de leur gouvernement, se livraient avec ardeur à la traite ou se prêtaient avec complaisance aux manœuvres des négriers, les croiseurs anglais, irrités par tant de mauvaise foi, de mauvais vouloir, mus d’ailleurs par un zèle peu désintéressé[1], redoublaient de violence et outrepassaient leurs instructions, déjà si rigoureuses. Par une conséquence naturelle, leurs procédés, souvent arbitraires, réveillaient dans les Brésiliens et surtout dans le gouvernement un amour-propre d’autant plus vif qu’il avait long-temps sommeillé. Le sentiment de la dignité nationale, de l’honneur du pavillon, se mêlait à la haine de l’étranger insolent et fort. De là des froissemens,
- ↑ On sait que les officiers et les équipages des croiseurs anglais ont une part proportionnelle sur le montant de la vente des bâtimens condamnés pour s’être livrés à la traite des noirs, mais on ignore généralement que cette part s’élève à des sommes considérables. Il ressort d’un document publié par le gouvernement (Return to on adress of the hon. house of commons, dated 13 mars 1845, p. 1-11) que, du 1er janvier 1839 au 30 décembre 1844, les croiseurs anglais ont retiré, sur la vente de leurs prises, 202,805 liv. 7 sh. 6 d., c’est-à-dire 5,700,075 fr. 60 c.