des colonies à esclaves. L’Angleterre, qui possédait tant et de si riches établissemens de ce genre, avait tout sujet de craindre que la continuation de la traite ne devînt pour les colonies des autres puissances une source de prospérité d’autant plus grande qu’elle tournait à son désavantage. A ce point de vue purement humain, la conduite des hommes d’état anglais se comprend aisément et ne mérite que des éloges. La Grande-Bretagne pouvait-elle laisser pratiquer à ses rivaux et à son grand détriment un trafic qui leur était nécessaire, et qu’elle venait de s’interdire ? Laisser jouir les colonies des autres puissances du bénéfice de la traite, c’était se placer volontairement et de gaieté de cœur dans une position d’infériorité inévitable. D’un autre côté, l’opinion publique, enorgueillie de son récent triomphe, réclamait impérieusement du gouvernement qu’il fît accepter par le monde entier le grand principe dont elle lui avait imposé la reconnaissance et la consécration. Faisant donc de nécessité vertu, le cabinet anglais se hâta de proclamer que toutes les puissances devaient, à son exemple, défendre à leurs sujets le commerce des esclaves sur les côtes d’Afrique, sans trop s’inquiéter si l’économie de leurs colonies des tropiques était capable de supporter une aussi brusque modification. L’Angleterre avait d’ailleurs tout à gagner à une abolition immédiate et générale de la traite. Ses possessions à esclaves étaient prospères, abondamment pourvues de travailleurs, tandis que celles des autres nations européennes, partageant la mauvaise fortune de leur métropole, avaient beaucoup souffert des maux qu’entraîne toujours une longue guerre maritime.
L’Angleterre avait entre les mains un moyen qui lui permettait d’atteindre aisément et sûrement le but qu’elle se proposait : ce moyen était le droit qu’elle prétendait appartenir aux puissances belligérantes de visiter et de capturer les bâtimens des neutres soupçonnés de porter des marchandises de contrebande. Elle l’appliqua à la répression de la traite, et ce droit si contesté, qu’elle exerçait même sur ses alliés, elle le mit en usage pour détruire un trafic jusque-là licite du consentement général, et qui n’avait encore été interdit que par ses propres lois municipales. Ce n’était là toutefois qu’un instrument temporaire et dont l’exercice était limité à la durée de la guerre. Le cabinet anglais dut donc travailler sans retard à obtenir, par des traités spéciaux et à l’amiable, la proscription du commerce des esclaves par les nations avec lesquelles elle avait conservé des rapports de bonne amitié.
Un ancien traité, peu respecté à la vérité, exemptait le pavillon portugais des recherches des croiseurs britanniques. En outre, dans les conjonctures présentes, l’Angleterre avait intérêt à se ménager les bonnes graces de la maison de Bragance. Il lui importait donc d’obtenir l’abandon volontaire du privilège qu’elle ne laissait pas de s’arroger par la force, mais qu’elle n’osait pas ériger ouvertement en droit. Le