mise en avant par M. de Sacy, on persiste à penser que la colonne a dû porter une statue, on peut, avec M. Sharpe, y voir une statue équestre de Dioclétien, ou du moins la statue que nous savons avoir été élevée à son cheval en reconnaissance d’un faux pas qu’il fit en entrant dans la ville, et où l’empereur vit un signe de la volonté des dieux qui lui ordonnait de cesser le pillage. Cette statue peut fort bien avoir été placée au sommet d’une colonne grecque ; mais il reste toujours cette question : dans quel but la colonne grecque a-t-elle été érigée avant la statue impériale ? Ne serait-ce point pour recevoir à son sommet une statue gigantesque de Sérapis, déjà tombée peut-être au temps d’Aphtonius, après Constantin, et qui, à coup sûr, n’a pu survivre à la destruction du Sérapeum par les chrétiens sous Théodose ? Nous savons qu’il y avait une effigie colossale de Sérapis dans le labyrinthe, et de plus que Ptolémée Philadelphe fit placer une statue de ce dieu sur la hauteur de Racotis, c’est-à-dire sur l’éminence où était située l’ancienne ville égyptienne, et où s’élevaient l’acropole de la ville grecque, le Sérapeum qui faisait partie de l’acropole, enfin la colonne qui faisait partie du Sérapeum. D’après une tradition qui s’est conservée chez les Arabes, cette colonne portait une statue gigantesque étendant la main vers la mer et regardant vers Constantinople. Peut-être au fond de cette tradition était le vague souvenir d’une statue de Sérapis.
Ainsi serait motivée l’érection d’une colonne solitaire sans exemple chez les Grecs. Au reste, peut-on conclure de ce qui s’était fait avant et ailleurs à ce qui pouvait se faire à Alexandrie. En présence de l’art égyptien, l’art grec, excité et comme troublé par une émulation dangereuse, tenta de se surpasser en se dépassant. Le phare, qui ressemblait à une pyramide à plusieurs étages, le Panium, qui paraît avoir été un monument bizarre et sans modèle, montrent quelles étaient les tentatives hardies, originales, démesurées, de l’art dans cette Alexandrie, dont un des architectes était ce Dinocrate qui avait offert à Alexandre de sculpter le mont Athos et de lui placer dans la main une coupe qui verserait un fleuve. Pour moi, la colonne d’Alexandrie est le résultat le plus mémorable et le plus heureux de cette lutte entre l’art grec et l’art égyptien, dans laquelle le premier essaya de donner à ses types les dimensions colossales dont l’Égypte offrait le modèle. Les pyramides firent construire le phare, et les obélisques firent élever au milieu du Sérapeum la colonne d’Alexandrie.
Dans cette ville, l’Égypte et la Grèce sont, pour ainsi dire, superposées l’une à l’autre. Si l’obélisque qui est encore debout a une base grecque, en revanche la colonne grecque a une base égyptienne. Il paraît qu’un obélisque renversé lui sert de fondement, et, parmi les débris qui supportent le piédestal, deux caractères presque effacés m’ont permis de reconnaître le prénom de Psamétique II, qu’on voyait plus distinctement