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de ses places d’un obélisque égyptien[1] ; la France avait droit, ce me semble, à se parer la première d’un pareil trophée, elle qui a conquis l’Égypte moderne par Bonaparte et l’Égypte ancienne par Champollion celle-ci du moins lui restera.

Les obélisques d’Alexandrie étaient déjà des obélisques déplacés, apportés d’ailleurs. Le mouvement de transplantation qui devait faire marcher ces symboles de la stabilité jusqu’à Rome et jusqu’à Paris avait commencé avant l’ère chrétienne. Les obélisques d’Alexandrie venaient de la Haute-Égypte ; leur matière est le granit rouge, qui ne se trouve pas au-dessous de Syène. C’est là qu’ils avaient été taillés sur place, comme l’obélisque que l’on voit encore près d’Assouan (Syène), couché sur le roc dont il n’est pas entièrement détaché. Puis, après avoir, pendant plus de onze siècles, orné Thèbes, Memphis ou Héliopolis[2], une volonté de roi ou un caprice de femme les avait fait descendre jusqu’à Alexandrie où ces monumens, venus des frontières de la Nubie, souffrent d’un climat déjà trop boréal. Le vent humide et salin de la mer détruit le poli de leurs faces, et ronge surtout les côtés qu’il frappe directement.

Les inscriptions hiéroglyphiques, en assez mauvais état, ont été relevées par Champollion. Malgré les caractères effacés ou altérés et les lacunes, on s’assure facilement qu’elles sont jetées dans le même moule que les inscriptions des autres obélisques et en particulier celles de l’obélisque de Paris. Toutes les inscriptions gravées sur les obélisques se ressemblent assez. Le sens général n’en est pas difficile à saisir. Je parle des obélisques du temps des Pharaons : le style de ceux qui ont été élevés sous les Romains est beaucoup plus obscur, parce qu’il est beaucoup plus recherché. On a pensé depuis l’antiquité que les inscriptions des obélisques renfermaient de grands mystères. Si l’on en croyait Pline, les deux obélisques qu’Auguste avait fait transporter à Rome auraient contenu l’explication des phénomènes naturels selon la philosophie égyptienne. Ces obélisques existent encore, l’un est sur la place du Peuple, l’autre sur la place de Monte-Citorio, et on peut affirmer qu’ils ne présentent aucun enseignement philosophique ou scientifique. Les obélisques n’ont offert jusqu’ici rien de pareil ; tous sont couverts de formules assez vagues exprimant la majesté, la puissance du Pharaon qui les a élevés, mentionnant les édifices qu’il a fait construire, les ennemis qu’il a vaincus. La traduction des hiéroglyphes qu’on lit encore aujourd’hui sur l’obélisque de la place du Peuple, et qu’Ammien-Marcellin a donnée d’après Hermapion, offre une idée assez juste de ce genre de dédicace.

  1. Il y en a un dans le jardin Boboli à Florence. Arles avait élevé un obélisque égyptien à la gloire de Louis XIV. Je ne sais ce qu’il est devenu.
  2. On les fait venir d’Héliopolis, mais sans preuve.