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de lui fournir le moyen de les compléter, de les redresser même en les comparant avec les observations des autres voyageurs qui m’ont précédé dans ce pays, tant visité depuis Hérodote jusqu’à Champollion. Le tissu de cet ouvrage sera formé d’une double trame. On y trouvera ce que j’ai vu et senti sur place, et aussi le résultat des études que le spectacle des lieux m’a fait entreprendre et a pu féconder. Je voudrais que le voyage en Égypte dont je donne aujourd’hui l’ébauche fût un livre sur l’Égypte ; je voudrais que ce livre fût dans son ensemble au niveau des connaissances acquises ; je voudrais que, sur les sujets auxquels des études spéciales m’ont préparé, il pût aider aux progrès de la science et parfois les devancer un peu.

Paris, 1er août 1846.




Marseille, 30 novembre 1844.

Me voilà à Marseille, et je crois toucher à l’Égypte. Marseille est maintenant à sept journées d’Alexandrie. Les noms des bateaux à vapeur qui rapprochent le Delta du Rhône et le Delta du Nil, ces noms sont eux-mêmes égyptiens : c’est le Sésostris, le Rhamsés, le Luxor. Je partirai demain sur l’Alexandre. Que cette gloire protège mon obscurité ! que le nom du conquérant soit d’un bon augure à mes petites conquêtes ! Je ne vais pas fonder une ville, mais travailler humblement aux fondemens d’une science. Puisse la terre d’Égypte ne pas être la terre de mon sépulcre !

A Marseille, j’ai trouvé M. P. Durand, mon compagnon de voyage, qui m’y avait devancé[1]. Nous n’étions pas embarrassés de deux jours à passer dans la ville des Phocéens. Beaucoup d’emplettes et de préparatifs nous restaient à faire : au premier rang était la provision de papier non collé pour estamper. Rien n’est plus précieux pour le voyageur archéologue que cet estampage si simple, et dont on ne s’est malheureusement avisé que depuis peu de temps. Avec une feuille de papier, un verre d’eau, une brosse, on prend en quelques minutes l’empreinte d’une inscription ou d’un bas-relief ; c’est une sorte de typographie portative qui permet de multiplier à volonté les copies d’un original qu’on ne peut déplacer. Nulle transcription, nul dessin ne vaut cette reproduction mécanique. L’œil et la main de celui qui copie peuvent se lasser ou se tromper ; mais l’estampage n’est sujet ni aux distractions ni aux erreurs. Grace à lui, on emporte moulé fidèlement et sûrement

  1. Je dois à la généreuse amitié de M. Villemain d’avoir pu emmener avec moi cet homme distingué, qui est un excellent dessinateur.