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On attend surtout avec impatience le Livre des Rois de M. Lepsius. L’abondance et la nouveauté des matériaux recueillis en Égypte et jusque dans la Haute-Nubie, la sagacité de l’auteur, prouvée par d’autres travaux, font espérer que la chronologie égyptienne, embrassée dans son ensemble, lui devra un véritable progrès.

L’étude des hiéroglyphes n’a donc pas été sans fruit pour l’histoire, comme on le répète encore un peu légèrement. La suite, la durée des règnes rapportées aux monumens qu’ils ont vu élever et aux grands événemens qu’ils ont vu accomplir, tels que la prépondérance de Thèbes ou de Memphis, l’union ou la division des diverses parties de l’Égypte, l’invasion des pasteurs, tout cela, c’est de l’histoire. Outre les noms des Pharaons, ceux de leurs épouses, de leurs fils, de leurs filles, les noms des peuples qu’ils ont soumis, des pays qu’ils ont conquis, c’est aussi de l’histoire.

Si l’on trouve cette histoire trop pauvre, il en est une autre, selon moi, encore plus curieuse, et pour laquelle les matériaux abondent c’est l’histoire des croyances, des institutions, des mœurs, et celle-ci est écrite sur toutes les pierres des monumens, sur tous les papyrus, sur toutes les caisses de momie, jusque sur les meubles et les ustensiles d’un usage journalier. D’après ce qu’on peut lire de ces inscriptions hiéroglyphiques, qui forment comme une littérature éparse sur les monumens, on peut dès à présent se faire une idée des croyances religieuses et morales, de l’organisation sociale et domestique des anciens Égyptiens ; on peut, sur ces objets importans, la religion, la société, la famille, l’industrie, compléter, modifier, et, sur beaucoup de points, corriger ce que les anciens nous ont appris, les anciens, si nouveaux par rapport à la vieille civilisation de l’Égypte, les anciens, qui trop souvent ont prêté leurs idées à un pays tardivement et toujours imparfaitement connu. Pour moi, je l’avoue, le plus grand intérêt qu’offrent les hiéroglyphes et les peintures qui les accompagnent, c’est de nous aider à percer au cœur de cette nation célèbre et mystérieuse que la Grèce, policée tant de siècles après elle, regardait comme son institutrice, et qui a pu agir aussi sur la Judée, cette autre maîtresse de l’humanité.

Quelle a été l’action de l’Égypte sur ces deux peuples, qui tiennent la plus grande place dans l’histoire de notre culture moderne, qui nous ont donné, l’un notre philosophie et nos arts, l’autre notre religion ? Quels ont été les rapports de l’Égypte avec la Phénicie, l’Assyrie, l’Inde ? Placée entre le monde asiatique et le monde grec, l’Égypte aurait-elle été soustraite aux influences de l’un, serait-elle demeurée sans action sur l’autre ? Il est difficile de l’admettre. Et alors quel a été son rôle ? D’où vient-elle ? Jusqu’où sont allées ses colonies et ses conquêtes ? Quelle place sa mythologie et ses arts tiennent-ils dans l’histoire de la