historique ; on sait, de plus, à quel dieu s’adresse cette prière, quel roi a fait cette dédicace, de quel événement cette légende a conservé la mémoire. Enfin, si l’on ne sait pas tout ce que disent les hiéroglyphes, on sait, et c’est beaucoup, ce qu’ils ne disent pas. On ne leur demande plus les secrets merveilleux, les connaissances supérieures dont on croyait depuis deux mille ans qu’ils renfermaient le mystère ; il faut renoncer à y lire les oracles d’Hermès, comme le père Kircher, ou, comme on l’a fait de nos jours, les psaumes de David. Il n’y a, à vrai dire, que des inscriptions sur les monumens de l’Égypte : les unes religieuses, les autres historiques, les autres domestiques et privées ; mais ces inscriptions sont sans nombre, et quelques-unes, grace à leur étendue, peuvent passer pour des livres de religion ou des chapitres d’histoire. Nul n’ignore combien ont fourni de renseignemens précieux sur l’antiquité les inscriptions grecques et latines en général si courtes, et dont les sujets ne dépassent pas un cercle assez restreint ; que ne doit-on pas attendre de cette épigraphie colossale dont les pages et les volumes se déroulent sur les murs des palais et des temples, dans des proportions que sont loin d’atteindre les inscriptions tracées sur les murailles de Ninive ou les rochers de Bisitoun ? Les lacunes que présente l’explication, encore incomplète, des hiéroglyphes correspondent aux lacunes qu’offrent les textes mutilés des inscriptions grecques et latines. On peut deviner ce qui reste obscur dans les premières au moyen de ce qui est déjà compris, comme on restitue dans les secondes, avec le secours des lettres et des mots qui restent, les lettres et les mots effacés, et il y a entre les inscriptions hiéroglyphiques et les inscriptions grecques et latines cette différence à l’avantage des premières, que les lacunes qu’elles présentent peuvent être comblées avec le temps par les progrès de la science. Laissant de côté tous les textes dont le sens est douteux, et s’attachant à ceux dont le sens est certainement connu, on peut, en les rapprochant, en les comparant, les compléter, les éclairer les uns par les autres, et parvenir à en tirer quelques enseignemens sur le peuple extraordinaire qui a tracé ces lignes si long-temps muettes. En un mot, on peut dès aujourd’hui appliquer l’étude des hiéroglyphes à deux objets : à l’histoire des événemens et à l’histoire des idées, des mœurs de la société égyptienne.
Les travaux de Champollion ont montré le parti qu’on pouvait tirer de la lecture des noms de rois, comparés avec la liste que nous a laissée le prêtre égyptien Manéthon, pour rétablir la série chronologique des Pharaons. Depuis Champollion, beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire dans cet ordre de recherches, même après le savant et ingénieux ouvrage dans lequel M. Bunsen vient de donner pour la première fois une série des règnes de toutes les anciennes dynasties depuis Ménès. Des travaux importans sur ce vaste et difficile sujet sont près de paraître.