cercueil ; que vos plaies se refroidissent et se ferment, que vos cœurs se calment ; oubliez, jusqu’à ce que pour vous et pour votre patrie l’heure d’un second printemps vienne à sonner ! »
« Ce sommeil sera votre force, car le Seigneur veille sur vos cercueils, et attend que les temps marqués se soient écoulés. À présent, paix à vous ; à présent, dormez profondément. »
Il se fit un grand silence, et la voix qui m’avait conduit me répéta tout bas les mêmes paroles que précédemment : « Césara, Césara, regarde ce qui, après eux, est resté, » et moi, ne voyant rien, j’ai demandé : « Qu’est-il resté ? » Et la voix me répondit : « Regarde, voilà encore une trace sur la terre après eux. »
Et soudain j’aperçus comme une masse de vapeurs rougeâtres qui s’élevait, et au milieu on eût dit une image agitée par les vents, — c’était une figure féminine, ou plutôt l’ombre d’une femme. Elle était belle d’une beauté idéale, et sur son front régnait une éternelle tristesse. Léger et diaphane comme un fugitif souvenir, son vêtement, symbole lui-même de ses tristes pensées, l’enveloppait sans la couvrir ; elle fixa son regard dans le vide de l’espace, regard tout à la fois plein de fierté et de douleur. Et cette étrange et merveilleuse figure, il me semblait déjà l’avoir vue, mais dans un rêve oublié.
Et alors la voix me cria : « Veille sur elle, Césara, car elle est la sœur de ceux qui sont morts en combattant. Elle seule est sauvée, pour que la beauté de cette nation ne périsse pas entièrement sur la terre.
Et quand je regardai une seconde fois, je sentis alors que je l’aimais ; alors aussi il me sembla que je la suivais dans un monde inconnu, quelque part au milieu des brumes de l’automne, plus loin, au milieu de déserts attristés où mugissent les torrens, où les feuilles jaunies se roulent en tourbillons ; et, fendant les brouillards, un aigle ensanglanté conduisait sa maîtresse.
Et toujours elle marche dans sa beauté et sa pâleur, et toujours seule, pensive et fière, toujours semblable à un rêve, et cependant toujours visible, toujours errante et silencieuse, et moi veillant sur elle éternellement. Et là où elle ira, j’irai aussi, où elle se reposera, je m’arrêterai, et, quand elle disparaîtra, je disparaîtrai avec elle !
Et il me semblait que les jours et les nuits s’écoulaient comme les vagues blanches et noires du torrent. Quelquefois j’aperçois le fantôme du soleil derrière les nuages, quelquefois aussi la lune qui glisse sur le sommet des montagnes ; de temps à autre, de derrière le brouillard, arrive à mon oreille le bruit des villes éloignés ; au-dessus de moi, j’entends le chant des esprits flottans dans l’espace, et quelque part en bas, sous mes pieds, les sanglots des malheureux qui travaillent dans les mines ; et plus bas encore, au fond des abîmes, le rire souterrain de Satan !
Mais je ne m’arrête ni pour entendre, ni pour écouter ; je ne fais que la suivre. Éternellement la brume nous enveloppe. Une éternelle tristesse nous unit, un même espoir nous conduit. De l’espace où elle plonge, contemplant le passé, elle se détourne et sur moi jette un regard, quelquefois elle entr’ouvre ses lèvres et appelle : « Césara ! » Quelquefois elle élève hors du brouillard sa blanche main qu’elle me tend, et je la saisis et je l’appuie sur mon cœur, jusqu’à ce que ma bien-aimée se repose. — Et c’est ainsi que nous allons vers l’infini. Si nous devons