pardon ni merci ; la honte de l’esclavage, ils n’en veulent pas ! Et j’entends la voix des masses qui leur crie : « Vivez et soyez nos esclaves. » Sur leurs fronts les mourans secouèrent leurs couronnes d’épines, et, comme une dernière provocation au combat, ils ont répondu par un seul et immense cri !
Le cercle des ennemis, comme un impitoyable anneau de fer, s’est serré autour d’eux ; — au-dessus de cet anneau, un cercle de flammes et de fumée s’est élargi dans l’air : alors chacun de ces hommes que la mort attendait, se penchant sur la femme évanouie qu’il tenait dans ses bras, lui dit : « Réveille-toi, et dis si tu veux vivre plus long-temps que moi ! »
Et ces anges d’innocence ouvrirent leurs yeux, et répondirent en soupirant
« Votre terre est la nôtre, et nous aurons le même tombeau pour demeure. » Et un sourire d’amour infini s’épanouit sur leurs lèvres. Alors chacun de ces hommes qui allaient mourir, debout, leva son glaive et le plongea dans le sein de celle qu’il aimait. Sur l’herbe ils couchèrent ces corps inanimés, et marchèrent ensuite au-devant des ennemis. Et de nouveau un terrible combat recommence sur la terre !
Et il me sembla que de toutes ces formes blanches couchées sur l’herbe sortaient des ames pleines de tristesse, et, comme une guirlande de lis célestes, elles flottaient dans l’espace, pleurant sur ceux qui mouraient en combattant, sur ceux aussi qui ne pouvaient pas encore mourir, ces restes d’une grande nation !
Dans le clocher, la voix du rossignol me dit en gémissant : « Césara, Césara, regarde, regarde, car c’est leur dernière heure ! » Et sous les lugubres accords qui s’élevaient des souterrains, la cathédrale a tremblé. Semblable à un grondement de la foudre qui, parti de la terre, s’élèverait jusqu’au ciel, la terrible harmonie s’est précipitée, se répandant partout, grandissant ; comme un chant funèbre, je l’ai entendue se prolongeant jusqu’aux confins du monde, et, parvenue là, retentissant encore dans un même accent de désespoir, sous un ciel où les étoiles brillaient, et où la lune projetait sa même lueur sanglante.
Et quand sur la terre j’ai reporté mes yeux, j’aperçus les peuples en masse passant comme autrefois ; à l’endroit où cette poignée de martyrs avaient succombé, il n’y avait plus ni cadavres, ni sang, ni armes ; le gazon était verdoyant. J’entendais comme le chant des oiseaux au fond des bocages, comme le bruit des grillons dans l’épaisseur des blés ; j’ai senti comme un doux parfum de fleurs qui s’échappait de ce lieu, et je fus saisi d’épouvante à la pensée qu’un tel silence, un tel oubli régnait au-dessus d’un tombeau si vaste et si récent.
Et la voix de l’ange me cria : « Césara, Césara, regarde ce qui reste d’eux ! Je regardai autour de moi : la lune était redevenue petite et pâle, les étoiles s’étaient aussi rapetissées et scintillaient comme des diamans. C’était cette même contrée que j’avais vue en commençant ; des collines l’entouraient connue des rubans d’azur, au loin les villages blanchissaient au milieu du silence !
La voix appelait toujours : « Césara ! Césara ! » Mais alors il m’a semblé qu’elle était sortie du clocher et qu’elle m’engageait à redescendre les escaliers de la tour. Et je l’ai suivie, descendant, descendant toujours, et je me trouvais au milieu de noires ténèbres, triste et dans la désolation de mon esprit ; et j’ignorais où j’allais ; ma tristesse augmentant, j’ai compris seulement que je descendais dans la tombe.
En soupirant, la voix s’est dirigée vers un passage plein de lueurs émanant