homme politique d’attacher son nom à quelque grand acte. L’Algérie attire toute l’attention de M. Guizot. Ses amis assurent qu’il a commencé de cette épineuse et vaste question une étude qu’il veut cette fois mener jusqu’au bout. D’ailleurs, quand il se représentera devant les chambres, un titre nouveau aura sans doute agrandi ses attributions et sa responsabilité, car il faut croire que M. Guizot aura enfin la présidence officielle du conseil, que M. le maréchal Soult veut absolument résigner. Peut-être alors aura-t-il aussi quelques collègues nouveaux qui recueilleraient la succession de MM. Lacave-Laplagne et Martin du Nord, qu’on dit depuis long temps fatigués et soupirant après quelque belle retraite. Au reste, tous ces arrangemens sont subordonnés au résultat des élections ; tout est en suspens ; on attend avec anxiété ce qui sortira du scrutin qui va s’ouvrir sur tous les points de la France. Il est une réflexion qui ne saurait échapper aux électeurs. Puisque tout le monde, opposition et ministère, hommes et partis de toutes les nuances, tombe d’accord que le moment est venu d’entrer dans une ère d’habile initiative et de sage progrès, il faut donc que le corps électoral, qui va renouveler la représentation du pays, préfère partout le talent à la médiocrité, la fermeté du caractère, l’indépendance de la fortune à la souplesse d’un dévouement besogneux ; il faut que, pour une œuvre nécessaire, il envoie les meilleurs ouvriers. Nous n’avons qu’un désir, c’est que les électeurs déposent leur bulletin dans l’urne sous l’inspiration de cette pensée, qui n’est pas une pensée de parti, mais l’expression, le vœu de l’intérêt commun.
Les choses se sont passées en Angleterre et en Amérique de la façon qu’on prévoyait. Le ministère Peel s’est retiré en annonçant aux chambres pour suprême résultat de sa politique la conclusion pacifique des négociations relatives à l’Oregon, prélude assez certain d’un accommodement ultérieur entre les cabinets de Washington et de Mexico. Lord John Russell, plus heureux qu’il y a six mois, a formé rapidement son administration et pris déjà le pouvoir en main. Soutenu par la force des circonstances qui l’appelait nécessairement aux affaires, le chef du parti whig a dû toutefois se donner encore bien des soins pour organiser sa victoire ; son installation, si naturelle qu’elle fût, est cependant une preuve nouvelle de cette adresse qu’il apporte au maniement des difficultés parlementaires.
Il lui fallait d’abord résoudre certaines questions de personnes qui avaient déjà, cette année, divisé son propre camp et contribué au mauvais succès de sa première tentative ; il fallait convaincre lord Grey que lord Palmerston avait fait un ferme propos de sagesse, il fallait le persuader que lord Palmerston ne pouvait pas accepter un autre département que celui des affaires étrangères. Ajoutons, pour être justes envers tout le monde, que lord Palmerston lui-même avait su fort à propos distribuer partout des politesses significatives en dédommagement de ses vivacités de 1840. Chacun remplissant ainsi son devoir d’homme politique, lord Melbourne et M. Francis Baring restant en dehors de la combinaison pour la faciliter, lord John Russell a tiré tout le service possible de ses amis, et le cabinet whig compte dans son sein deux représentans de cette indispensable famille des Grey : lord Grey à la direction des colonies, sir George Grey à celle de l’intérieur.
La position de l’illustre leader en face des partis n’était pas moins délicate. Les protectionnistes triomphans affichent une grande importance, et semblent croire que les whigs leur gardent la place ; d’autre part, sir Robert Peel, tout en