avons été les témoins d’une agitation intermittente dont les auteurs voudraient aujourd’hui transporter dans l’arène électorale les vivacités et les exigences. Ce serait quelque chose de fort grave que l’immixtion de l’église dans les débats électoraux. Sous la restauration, l’écueil de l’église fut sa solidarité avec un gouvernement inhabile et aveugle. Aujourd’hui elle trouverait un autre danger dans une alliance avec des partis, dans une complicité compromettante avec certaines passions. Sans doute l’église n’est jamais au fond préoccupée que d’elle-même, seulement elle pourrait prendre des moyens qui l’écarteraient du but auquel il lui est permis d’aspirer. Ce but, nous le voyons dans une influence sociale raisonnable et légitime ; mais il ne saurait être dans un rôle politique qui la mêlerait aux partis et peut-être aux factions. La situation est délicate pour l’église ; elle est au milieu d’une société paisible et bienveillante, en face d’un gouvernement empressé à lui complaire. Elle commettrait une lourde faute, si, dans des circonstances aussi favorables, elle prenait une attitude belliqueuse. A quoi bon ? est elle, nous ne dirons pas persécutée, mais froissée en quelque chose qui ait de l’importance ? Que l’église ait des désirs qui ne soient pas encore satisfaits, qu’elle songe à étendre son autorité, ses enseignemens, à multiplier ses lévites, on le conçoit ; nous comprendrions moins qu’elle mit de côté toute circonspection, toute sagesse, pour marcher à l’accomplissement de ses desseins avec une impétuosité juvénile qui risquerait de tout perdre.
L’église avouera-t-elle M. de Montalembert et son nouvel écrit du Devoir des catholiques dans les prochaines élections ? Fera-t-elle cause commune avec les catholiques effervescens qui proclament vouloir imiter M. Cobden et marcher à la conquête de la liberté religieuse, comme l’auteur de la ligue contre les lois des céréales a conquis la liberté commerciale ? Le jeune pair, dans son fougueux manifeste, ne défend pas tant l’église actuelle avec ses conditions légales d’existence qu’une église idéale construite par son imagination. En effet, les témoignages de gratitude et de générosité dont l’état n’est pas avare envers le clergé irritent M. de Montalembert. L’administration donne-t-elle des tableaux d’église, des ornemens et des orgues, cette munificence n’est aux yeux de M. de Montalembert qu’une odieuse corruption. Quand le gouvernement décerne aux membres les plus éminens du clergé la décoration de la légion-d’honneur, cette distinction devient, dans l’esprit du jeune pair, une dérision, un mépris des plus hautes convenances. Enfin, si M. de Montalembert loue les évêques qui se sont montrés les plus ardens dans la polémique religieuse, il prophétise la décadence future de l’épiscopat, il pressent que le gouvernement, à l’aide de la prérogative que le concordat lui concède, pourra venir à bout, par ses choix, de créer au sein de l’épiscopat français un parti dévoué à sa politique et docile instrument de ses ruses. Que veut dire aussi M. de Montalembert par « ces béates satisfactions de sacristie, par ces vertus d’antichambre que pratiquaient nos pères, et que nous prêchent ceux qui nous exploitent ? » Étrange défenseur de l’église qui a des paroles outrageantes pour ceux dont il a embrassé la cause !
C’est que M. de Montalembert est surtout mené par ce que nous appellerons un fanatisme d’imagination. Sur toute autre question que la question religieuse, le jeune et brillant orateur du Luxembourg montre des idées pratiques, un esprit d’ordre et de gouvernement. Dans ces derniers jours encore, il a pris une part tout-à-fait remarquable aux débats par lesquels la chambre des pairs a clos