que le développement du réquisitoire, Montigny opposa constamment les dénégations les plus nettes, les plus absolues, presque toujours les plus vraisemblables, sans que jamais le magistrat interrogateur parût être en mesure d’insister et de le mettre en défaut ou de le surprendre en contradiction avec lui-même. Il affirma que les réunions auxquelles il avait assisté avec les autres seigneurs des Pays-Bas n’étaient que des parties de plaisir et de société, que, loin d’y conspirer contre l’autorité du roi, on n’y avait jamais parlé politique, si ce n’est par occasion et toujours dans un esprit de loyauté, que pour son compte il n’avait participé en rien à la fédération formée par la noblesse pour faire violence à la gouvernante ; il expliqua de la manière la plus naturelle et la plus satisfaisante les relations qu’il avait eues à Paris avec le connétable de Montmorency, le chef de sa maison, relations qu’on avait voulu rendre suspectes par l’unique motif qu’il s’était rencontré chez le connétable avec le neveu de ce grand personnage, l’amiral de Coligny, l’un des coryphées du protestantisme ; il nia formellement tous les propos qu’on lui imputait contre l’autorité du roi, contre sa personne et contre la religion catholique. Quant au reproche d’avoir favorisé l’hérésie, il ne lui était que trop facile de le réfuter victorieusement : il avoua bien qu’il avait exprimé quelques doutes sur la convenance qu’il pouvait y avoir à établir l’inquisition dans un pays où le nom en était si odieux ; mais, loin de reconnaître qu’il eût voulu fonder la liberté religieuse, soit publique, soit même privée, il protesta que, chrétien et catholique, il aurait plutôt dénoncé son propre frère, s’il était devenu infidèle, et il rappela avec ostentation les châtimens infligés aux hérétiques dans son gouvernement de Tournay, les bûchers dressés quelquefois pour leurs ministres. Les petits faits qu’on avait accumulés pour le convaincre du crime de tolérance, ou furent démontrés complètement faux, ou perdirent toute gravité au moyen des éclaircissemens dans lesquels il entra pour en faire connaître le vrai caractère. Les dénonciations de l’administrateur du diocèse furent surtout, de sa part, l’objet d’un démenti péremptoire et catégorique : loin de reconnaître qu’il eût jamais provoqué ses convives à des entretiens dont eussent pu s’offenser les oreilles les plus scrupuleuses, il soutint qu’il n’avait jamais manqué d’imposer silence à ceux qui voulaient entamer de tels propos. L’alcade lui ayant demandé pourquoi il n’avait pas fait entendre un langage plus sévère à ceux qui tenaient ces propos impies, pourquoi même il ne les avait pas punis comme ils méritaient de l’être, il répondit que, dans ces conversations, il ne s’agissait nullement d’attaques contre la religion, ce qu’il n’aurait certes pas toléré, mais d’observations générales sur la vie trop libre de certains ecclésiastiques et sur l’ambition de quelques évêques. Il manifesta enfin l’extrême surprise qu’il éprouvait de se voir ainsi dénoncé par un prélat qui avait toujours paru rechercher son amitié.
Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/282
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.