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toujours paru justifier ces témoignages d’une haute faveur. Dans les premiers temps même, il s’était montré animé, pour le maintien de l’autorité royale et de la religion catholique, d’un zèle qui peut sembler excessif. Tandis que quelques-uns des autres gouverneurs hésitaient à mettre à exécution, dans le territoire soumis à leur juridiction, les édits rigoureux lancés contre les prédicateurs d’hérésie, on l’avait vu envoyer au supplice avec une sorte d’empressement ceux qui lui tombaient sous la main. La gouvernante avait cru devoir lui en faire un mérite auprès du cabinet de Madrid. Bientôt après, dans une réunion des gouverneurs des provinces et des chevaliers de la Toison-d’Or, que cette princesse avait convoqués à Bruxelles à l’effet de délibérer sur les moyens d’apaiser les mécontentemens qui commençaient à se manifester, Montigny fut choisi pour aller à Madrid informer le roi de la situation.

Philippe II lui fit un très bon accueil. Fidèle à ses habitudes de dissimulation, il essaya de lui persuader que les inquiétudes qu’on avait conçues des projets de la cour par rapport à l’inquisition étaient mal fondées ; il lui promit d’aller bientôt visiter les Pays-Bas, et s’efforça surtout de le faire entrer dans ses vues politiques, et de le décider à user de toute son influence pour les faire partager à ses compatriotes. Montigny ne tarda pas à quitter l’Espagne. Probablement il n’avait pas été bien pleinement convaincu par les déclarations royales. En supposant, d’ailleurs, qu’elles eussent fait quelque impression sur son esprit, cette impression dut bientôt s’effacer devant l’évidence des faits. Aussi ne paraît-il pas qu’il ait mis beaucoup de zèle à inspirer aux autres une sécurité qu’il n’éprouvait pas lui-même. Philippe II, que ses espions instruisaient, dans le détail le plus minutieux, de tout ce qui se passait dans les Pays-Bas, en conçut un ressentiment assez vif ; il se plaignait, dans une lettre écrite à la duchesse de Parme, de ce que Montigny ne tenait pas la conduite qu’on était en droit d’attendre de lui après les explications si positives qui lui avaient été données à Madrid. Ce mécontentement sembla pourtant se calmer peu de temps après. La conduite de Montigny ne prêtait à aucun reproche tant soit peu sérieux. Sous le rapport de la religion, il maintenait à Tournay une situation telle qu’un des agens secrets de Philippe II, dans un rapport confidentiel, y donnait une approbation entière. Ce même agent faisait remarquer, de plus, que Montigny exerçait une grande influence sur la noblesse, et que la prudence conseillait de le ménager. Le roi se laissa persuader ; il manda à la gouvernante qu’il était satisfait des services de ce seigneur, et lui accorda, en récompense, une faveur qu’il sollicitait.

A mesure que l’état du pays s’aggravait, et que l’inquiétude, l’esprit de désaffection, s’étendaient de la haute noblesse aux autres classes de la société, la position personnelle de Montigny se modifiait aussi. Il était