et tâchons de rendre de notre mieux cette physionomie Intéressante, ne fût-ce que pour en étudier certains contrastes.
Charles-Marie de Weber naquit, le 18 décembre 1786, à Eutin, dans le Holstein, d’une famille appartenant à l’ordre équestre, et les meilleurs soins présidèrent à son éducation. Dès sa plus tendre jeunesse, nous vivons la peinture et la musique se disputer son temps. Tout porte même à croire qu’il eût réussi à se faire un nom dans le premier de ces deux arts, si le démon musical qui le possédait à son insu ne l’eût entraîné loin des voies du dessin et de la couleur. Du fond de l’atelier où ses doigts distraits s’exerçaient au fusin, il entendit un beau soir chanter la musique des sphères : le roi des aulnes l’appelait vers ses royaumes éthérés, et, comme cet enfant de la ballade, il se laissa ravir, mais lui du moins n’en mourut pas : les génies épargnent leurs frères. N’importe, ses premières études des arts du dessin ne furent point stériles ; à plusieurs reprises il y revint, et personne n’ignore que c’est à lui qu’on doit l’invention de la lithographie. Il va sans dire que la musique finit toujours par avoir le dessus, car, si d’une part était le dilettantisme, de l’autre était la vocation. Son père, le major de Weber, pressentant l’avenir de cette jeune tête, ne recula point devant les sacrifices pour lui ouvrir les mondes de la science. Or, sa ville natale offrant peu de ressources à l’initiation, Charles-Marie se rendit à Saltzbourg auprès de Michael Haydn, puis à Munich, où il étudia le contre-point sous la direction de l’organiste de la cour. En 1800, le jeune maestro donna son premier opéra, la Fille des Bois (das Waldmädchen) ; il avait alors quatorze ans. Quand je dis son premier opéra, je me trompe ; deux années auparavant il avait débuté par une composition musicale intitulée assez étrangement la Puissance de l’Amour et du Vin (die Macht der Liebe und des Weines). Ce que c’était que ces deux ouvrages, dont l’un devint d’ailleurs bientôt la proie des flammes ainsi que diverses fugues et morceaux de clavier et une messe, et dont l’autre, accueilli avec succès à Vienne, à Prague, à Pétersbourg, valut d’emblée à Weber une réputation de talent facile, médiocrement en harmonie, j’imagine, avec ses visées ultérieures ; ce que c’était que ces deux ouvrages, on le suppose : d’honnêtes réminiscences de la leçon d’hier, la cent unième reproduction de la formule ayant cours, un fonds banal où çà et là tremblotent quelques rares idées moins semblables à des étoiles au firmament qu’à des vers luisans dans l’herbe. Je n’ai jamais compris, quant à moi, le culte superstitieux que bien des gens professent pour tous les papiers de jeunesse des grands artistes : comme si ces produits d’une imagination qui nécessairement s’ignore pouvaient être jamais autre chose que les tâtonnemens d’un écolier plus ou moins doué. On aura beau dire, les poètes, les musiciens, les peintres de génie, ne poussent pas au beau milieu d’une époque à la manière des champignons.