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lon mais des intelligences plus sévères, un Arnauld, un Bossuet. Et cependant, au sein de la philosophie de Descartes, s’étaient glissés des germes funestes. On sait quelle main les cultiva.

Certes, il y a de grandes parties dans l’esprit de Spinoza ; mais il lui a manqué un des traits distinctifs de tous ces génies excellons dont la mémoire est chère à l’humanité, parce que leur force a été un bienfait pour elle ; il lui a manqué le sentiment des vrais besoins et des vraies limites de notre nature. La métaphysique de Spinoza n’a rien d’humain. C’est la tentative hardie d’un homme pour cesser d’être homme, pour usurper la place de Dieu et pour expliquer le monde, en quelque sorte avant qu’il existe, dans son essence éternelle et dans les lois nécessaires de son développement. Des conceptions abstraites, la substance, l’attribut et le mode, viennent se substituer aux réalités méconnues. Ce n’est plus une philosophie à l’usage des hommes, c’est une sorte de géométrie de l’existence. Le résultat de cette tentative est connu : le fatalisme universel dans la nature et dans l’humanité, et au-dessus un théisme tellement transcendant, qu’il ressemble presque à l’athéisme. Un cri s’éleva pour réprouver ces doctrines ; de là une réaction excessive qui, du métaphysicien téméraire, retomba sur la métaphysique, et contre laquelle tout le génie de Leibnitz ne put prévaloir.

Il appartenait à la philosophie allemande de glorifier Spinoza. Elle en est la légitime héritière ; Hegel, c’est toujours Spinoza, mais un Spinoza plus audacieux encore et plus chimérique. Comme le philosophe hollandais, le métaphysicien de Berlin a prétendu se placer de prime abord au sein de l’absolu, et expliquer de cette hauteur, par la seule puissance de la logique et sur le fondement d’un certain nombre de conceptions abstraites, l’économie universelle des choses. Hegel n’ignore rien. Il sait le pourquoi et le comment de tout : il a trouvé et il confie à qui veut le lire et à qui peut l’entendre la formule de Dieu. Faut-il s’étonner que le sens commun, en Europe et surtout en France, se soit élevé contre ces prétentions extravagantes ? Nullement. Pour moi, je livre sans regret au dédain des esprits exacts cette insolente ontologie de l’Allemagne contemporaine, et, si la philosophie positive se bornait à protester contre de pareils dérèglemens, je ne pourrais qu’applaudir de toutes mes forces ; mais il n’en est point ainsi. La philosophie positive se jette dans un excès plus dangereux encore ; sous prétexte qu’on a abusé de la métaphysique, elle la proscrit absolument, et, parce qu’il est impossible à l’homme de satisfaire sa curiosité sur Dieu, elle prétend retrancher Dieu à son intelligence et à son cœur.

Contre une négation aussi radicale, j’invoque à mon tour ce même sens commun qui repousse à bon droit les témérités d’une ontologie sans règle et sans frein, et je lui demande ce qu’il pense d’une philosophie qui, par prudence, prétend se passer de Dieu. Il ne s’agit plus