chèrent Montesquieu et Condorcet, et que la philosophie positive est appelée à constituer.
Quelle lumineuse ordonnance ! Au sommet, les mathématiques, science éminente, la plus indépendante, la plus simple, la plus exacte de toutes. Elle observe les faits les plus élémentaires, qui sont en même temps les plus généraux. À la simplicité de ses objets elle doit son incomparable exactitude ; à leur généralité, son indépendance absolue et sa suprématie universelle ; toutes les sciences relèvent d’elle ; seule elle ne relève d’aucune. À l’extrémité opposée, la physiologie sociale, c’est-à-dire la science des formes supérieures de la vie la plus compliquée, la moins exacte, la plus dépendante de toutes, et cependant la plus excellente. Sa complexité même, qui fait sa dépendance, fait aussi sa beauté, comme la beauté des mathématiques est dans leur simplicité. C’est que les mathématiques restent dans la région de l’abstraction ; la physiologie atteint la vie, c’est-à-dire la réalité portée à son comble.
Entre ces deux sciences s’échelonnent toutes les autres, chacune s’appuyant, sur celles qui précèdent et servant d’appui à celles qui suivent, croissant toujours en complexité et en dépendance, décroissant en exactitude et en généralité ; moins simples, mais plus riches ; moins exactes, et plus difficiles ; moins parfaites, et non moins excellentes.
Cet ordre, si simple et si régulier, est aussi l’ordre du développement historique des sciences ; les mathématiques et l’astronomie sont les plus anciennes et les plus avancées. Il y a plus de vingt siècles que Thalès démontrait les propriétés du triangle équilatéral, et Pythagore celles du carré de l’hypoténuse, tandis que la science de la vie date du siècle dernier.
Le cadre qu’on vient de tracer comprend toutes les sciences. On ne saurait rien concevoir de plus abstrait que le calcul ni de plus compliqué que la vie. Toutes les sciences particulières, géologie, botanique et minéralogie, logique, esthétique, morale, idéologie, droit naturel, politique, et à leur suite tous les arts, viennent se placer dans l’intervalle des grandes lignes qui divisent les objets de la pensée. Tout se classe, tout s’ordonne, et ce magnifique ensemble, si imposant et si divers, n’est au fond que l’application d’un même instrument, savoir l’observation aidée du calcul, à des objets analogues, savoir : des faits, en vue des mêmes résultats, savoir : des lois.
Qui sait même si on n’atteindra pas un degré supérieur encore de simplicité et d’unité ? Déjà la philosophie positive a supprimé la vaine distinction des faits physiques et des faits moraux. D’autres distinctions pourront être un jour, non pas effacées peut-être, mais affaiblies par les progrès de l’esprit humain. À mesure qu’une science se développe et s’assied, remarquez qu’elle devient plus facilement accessible aux mathématiques. Qui a donné à l’astronomie ses bases impé-