Italien réfugié en Allemagne et secrétaire de l’électeur de Brandebourg, traduisit en italien et fit imprimer séparément à Leipsick toutes les comédies de Molière, qu’il réunit l’année suivante en quatre volumes in-12. Dans sa traduction du Malade imaginaire, cet auteur a donné la cérémonie telle qu’on la lit dans le texte de Rouen. On peut s’étonner que la traduction de Castelli, qui n’est pas fort rare, et que possèdent beaucoup d’amateurs du théâtre, n’ait été ouverte ni parcourue par aucun d’eux. J’ajouterai un fait non moins singulier, c’est que ce même de Castelli a donné dans le Festin de Pierre la traduction exacte de la scène du pauvre, absolument conforme au texte le plus complet. Cet Italien était, comme on voit, un homme emunctae naris, et des mieux informés. Les éditeurs de Molière auraient bien fait, et feront bien dorénavant, de tenir plus de compte de son travail.
CHARLES MAGNIN.
DES ALLEMANDS, PAR UN FRANÇAIS[1]. — L’auteur de ce livre, qui a cru devoir garder l’anonyme, est assurément un homme d’esprit et un observateur avisé. Il a pris son sujet par l’endroit le plus profond, et cependant il a su être court. Il ne raconte pas d’événemens ; il ne décrit ni costumes ni personnages, et n’a que fort peu de goût pour le pittoresque ou pour l’anecdote : il trace purement et simplement un portrait psychologique, mais il y met tant de finesse et tombe si juste sur les traits principaux, que cette image tout abstraite d’une nation se grave dans l’esprit du lecteur aussi bien que s’y graverait une figure plus matérielle. Il faut convenir pourtant qu’un lecteur qui ne connaîtrait rien de l’Allemagne perdrait beaucoup du profit qu’on peut tirer de cet ouvrage ; il est même assez probable qu’il ne saisirait pas le lien qui en joint les diverses parties. L’auteur a vécu beaucoup au-delà du Rhin ; il est là, dit-il, comme chez lui ; il oublie trop peut-être que tout le monde n’a pas fait le voyage, et il nous parle des Allemands comme si nous étions déjà assez Allemands nous-mêmes pour le comprendre à demi-mot ; il suppose trop de choses sues, c’est le tort de ceux qui savent bien, tort plus pardonnable aujourd’hui que jamais. On écrit tant pour le public en masse, qu’il n’y a guère lieu d’en vouloir à ceux qui écrivent pour le petit nombre ; ce livre-ci est donc le livre des connaisseurs, liber paucorum. En voici brièvement la substance.
Les Français et les Allemands s’ignorent réciproquement ; c’est déjà les rapprocher que de leur expliquer comment ils diffèrent : montrer comment ces différences se sont produites, c’est empêcher qu’on ne les impute à l’indestructible diversité des races. Le sentiment national s’est développé chez nous en même temps que le caractère national ; l’un et l’autre sont le fruit d’une éducation politique. En Allemagne, au contraire, il a fallu que la science se chargeât d’enseigner le sentiment de la nationalité, parce que la nationalité même avait cessé d’être manifeste pour la conscience publique ; la patrie est sortie de l’école ; le patriotisme a passé par toutes les exagérations des systèmes. Il serait bon de
- ↑ Un vol. in-8o, librairie d’Amyot.